Déclaration du Comité Valmy

Face à la dictature néo-pétainiste  du régime de Macron

Bâtir un front patriotique de progrès

Le Comité Valmy, considérant que l’élection d’Emmanuel Macron n’a pas été démocratique, qu’elle a été préfabriquée par une manipulation politico-médiatique massive de notre peuple et par l’appareil de l’Etat profond, déclare que le résultat de cette élection présidentielle manque de légitimité. Cette élection a pu à juste titre être analysée comme « la forme la plus élaborée du coup d’État » 1), comme le résultat d’un « putsch sans soldats » 2). Notre Comité approuve le contenu de ces analyses et leur formulation.

Le résultat de cette élection, issue d’une manipulation de l’opinion publique, n’est nullement le triomphe annoncé par les médias aux ordres. Il doit être relativisé. Si Macron a été élu avec 66% des suffrages exprimés, les abstentions se chiffraient à 25%, les blancs et nuls à 12%. Cela réduit le score de Macron au second tour à 43% des inscrits (dont encore 43% de vote rejet contre Marine Le Pen. Donc en réalité, seulement 24,51% des inscrits ont voté pour lui par conviction) – contre 18% des inscrits au premier tour. Au regard du caractère massif des moyens (notamment étatiques et médiatiques) utilisés pour orchestrer la tromperie des citoyens, cela ne présente rien d’extraordinaire.

Cette élection truquée illustre un changement profond de la nature de notre société, qui n’est plus démocratique ni véritablement républicaine. Les européistes de l’UMPS et leurs alliés, après avoir choisi la servitude volontaire en rejetant l’indépendance nationale et la souveraineté populaire, en arrivent maintenant à abandonner, par étapes, les derniers vestiges de la démocratie qui subsisteraient encore dans notre pays. Ils entendent détruire la République une, indivisible et souveraine, pour s’intégrer dans l’Europe fédérale des Länder, selon la volonté de l’impérialisme allemand.

Le Comité Valmy estime qu’il a été établi en France une forme de dictature néo-pétainiste au service de l’oligarchie financière de l’Europe atlantiste, germano-américaine et des occidentalistes. Cette aggravation, par les nouveaux collabos, de la trahison nationale et cette mise en cause de la démocratie ainsi que des libertés démocratiques rendent plus urgente que jamais la relance de la politique de rassemblement des patriotes et des souverainistes. Cette démarche est l’une des principales raisons d’être du Comité Valmy, depuis plus de 25 ans. Dans notre pays, il existe de fait deux camps antagonistes :

- Le camp des fédéralistes maastrichtiens du PS de l’UMP/PR et de leurs alliés, d’une part,

- Celui des républicains progressistes, des patriotes (qui sont aussi des anti-impérialistes conséquents et les véritables internationalistes) d’autre part. C’est le camp du peuple laborieux et de la Nation, celui du rétablissement de la démocratie ; il combat le pouvoir de l’oligarchie financière qui a vassalisé la France.

La ligne de fracture, la contradiction principale, ne se situe pas actuellement dans le clivage gauche-droite, mais oppose de façon inconciliable les forces fidèles à la Nation aux forces atlantistes, occidentalistes et à l’ensemble des collabos européistes.

Le Comité Valmy dénonce particulièrement la volonté exprimée par Macron d’intervenir militairement au Moyen-Orient et ailleurs, en dépit des lois internationales et de la Charte de l’ONU. Nous disons Non à la guerre et militons pour que la France défende la Paix, respecte la légalité internationale ainsi que la souveraineté des autres Nations.

De nouveau, le Comité Valmy appelle à la constitution, pas à pas, d’un rassemblement des forces patriotiques et authentiquement républicaines, des progressistes et des anti-impérialistes dans un Front Patriotique de Progrès. L’un des axes essentiels de ce rassemblement étant l’énoncé, clair et sans ambiguïté, d’une volonté commune de la sortie de l’euro et de l’Union européenne, qui est non réformable.

Dans le domaine des législatives qui approchent il faut mettre tout en œuvre pour empêcher que se constitue une majorité parlementaire autour de Macron et de sa République En Marche. Pas une voix démocratique ne doit aller, dès le premier tour, aux candidats qui s’en revendiquent ou qui se préparent à s’y rallier. L’objectif est de tenter de bloquer tout candidat favorable à Macron en soutenant son adversaire, quel qu’il soit, pour faire obstacle au danger mortifère que le Président compte regrouper sur son nom. Il en va de notre Etat-nation, de la survie de la France elle-même, de son indépendance et de sa souveraineté.

Comité Valmy
le 26 mai 2017

Notes :
1 et 2 – Un putsch sans soldats – Général (2s) Henri Roure
http://www.comite-valmy.org/spip.php ?article8599

Sur son blog, Régis de Castelnau, avocat, exprime une opinion semblable : « Emmanuel Macron doit en premier lieu son élection à une forme de coup d’État, qui a impliqué la haute fonction publique, les médias et le grand capital. » …

http://www.comite-valmy.org/spip.php ?article8598


LA FRANCE SELON MACRON


Mais quelle est donc la contradiction principale ?

Jean-Claude Delaunay

jeudi 25 mai 2017, par Comité Valmy

Le texte qui suit a été rédigé avant le premier tour de l’élection présidentielle. Je ne prétends pas apporter de lumières particulière sur la situation française du moment. Je crois cependant que l’analyse économique de référence marxiste à laquelle je suis conduit peut présenter, au-delà de l’élection présidentielle, un intérêt pour les lectrices et les lecteurs de ce site. J’ai donc le souci de le leur soumettre.

Cela ce texte repose sur une analyse de fond. J’essaie de tirer au clair les raisons pour lesquelles la situation politique en France serait articulée aujourd’hui, dans les discours, autour de « 3 contradictions principales ». Il y en aurait 2 de trop. Quel est mon choix

Comme on le verra, cela m’a conduit à émettre quelques hypothèses concernant la nature du Front national.

Pour terminer cette introduction par une opinion de vote, qui ne se confond pas avec mon analyse, je dirai que je n’ai voté ni pour Le Pen, ni pour Macron. Je n’ai pas voté pas pour Marine Le Pen parce que son parti relève d’une idéologie que je m’efforce de comprendre sans vociférations mais qui m’est étrangère et dont je perçois les faiblesses et les déviances, tout en ayant une idée de plus en plus précise de son succès. Je n’ai pas davantage voté pour Macron car cet individu est au centre de l’une des pires saloperies politiques que la bourgeoisie d’affaires et leurs alliés socialistes et centristes en France aient concoctées depuis longtemps. Cela dit, indépendamment du caractère intellectuellement misérable de celles et ceux qui sont à l’origine de cette manipulation, et des groupes d’intérêt qui les financent et les soutiennent, les problèmes demeurent.

Pour la grande bourgeoisie d’affaires, son problème est donner un nouveau souffle à ce qui reste de l’économie française dans le cadre de la mondialisation. La recette est connue : il faut notamment abaisser les coûts de production, accroître la flexibilité du travail, réduire la part des salaires indirects, favoriser le grand capital et « le libéraliser » de toutes ces entraves fiscales et ouvrières qui, décidemment, l’empêchent d’agir.

Et puis il y a celles et ceux qui veulent résister à ces vilénies et à leur traduction économique et politique. Mais à mon avis, certains points doivent être clarifiés. Ce texte est un effort pour aller en ce sens.

Première partie : L’état actuel du monde et l’économie française dans cet ensemble.

Ce premier point vise à rappeler des analyses qui sont aujourd’hui à peu près claires concernant l’état actuel du monde. Je vais reprendre quatre idées.

1) La première est que notre époque est l’héritière d’une crise globale des structures capitalistes, apparue au cours des années 1970. Le capitalisme monopoliste d’Etat, qui fut la forme typique de fonctionnement du capital des pays développés après la deuxième guerre mondiale, montra alors ses limites. Ces phénomènes ont été abondamment étudiés. Le programme commun de gouvernement de la gauche fut un essai pour faire face à ces limites. Il a échoué pour des raisons qui sont encore en discussion. Cet échec a marqué et marque encore les esprits et les comportements.

2) La deuxième idée est que les grandes entreprises capitalistes et leurs Etats ont alors mis en œuvre « une autre solution », celle de la mondialisation capitaliste. Cette dernière a reposé sur la libéralisation, complète en théorie mais diversifiée dans la pratique, des flux de marchandises, des flux humains, des marchés du travail, des investissements, des secteurs publics, de la vente et de l’achat des entreprises, des inventions, de la finance, de la monnaie, du capital-argent, des taux d’intérêt, et de tout ce qu’il était possible de sortir de l’influence étatique et démocratique.

Avant 1980, les sociétés conduisaient tant bien que mal leur destinée. Elles entretenaient entre elles des relations internationales. Elles fonctionnaient sur la base de législations compensatrices des déséquilibres capitalistes. Après 1980, leurs destinées sont passées sous la conduite des marchés financiers, c’est-à-dire du grand capital financier, qui est devenu à peu près totalement incontrôlé. Pendant 20 ans, ce système a produit des effets certes négatifs pour les travailleurs dans les pays développés mais positifs pour le grand capital, qui s’est déployé dans le monde. Le système socialiste de type soviétique s’est effondré au cours des années 1990. Les dirigeants du monde capitaliste ont cru qu’ils avaient trouvé « LA SOLUTION ». La crise économique de 2007-2008, qui n’est pas résorbée, est venue sonner le rappel de ces illusions.

3) La troisième idée a trait aux conséquences de la mondialisation capitaliste sur le développement économique des pays dits du SUD. Il s’est produit une coïncidence heureuse entre, d’une part, la quête, par le grand capital des pays développés, de nouvelles sources d’exploitation et de nouveaux marchés et le besoin de développement des pays du Tiers-monde, d’autre part. Le capitalisme n’a donc pas terminé son existence avec la crise profonde et durable des années 1970. Il a trouvé, dans la mondialisation capitaliste et dans les pays en développement qui en avaient les moyens, la chance d’un nouveau rebond.

Certes, cela n’a pas mis fin aux crises qui le traversent en permanence. Celles-ci, au contraire, ont été amplifiées suite à la destruction des filets de sécurité qui fonctionnaient antérieurement au plan national, alors même qu’il n’existe pas d’Etat mondial susceptible d’en compenser certains effets.

En outre, le déploiement mondial du capital s’est traduit par l’accroissement des inégalités entre les différents pays du monde. Certains d’entre eux, comme la Chine ou l’Inde, sont entrés dans l’ère de l’industrialisation et de la vie moderne. Les investissements étrangers ont aidé à ce décollage. D’autres, au contraire, ne recevant même plus les miettes publiques que leurs distribuaient autrefois les Etats les plus riches sont entrés dans un état de misère encore plus grande. D’autres, ont été détruits par les pays développés, voulant en contrôler sans faille les ressources naturelles.

Enfin, la mondialisation du capital a engendré des formes visibles de surexploitation du travail dans tous les pays, sous-développés comme développés. Dans les pays sous-développés, les travailleurs acceptent ces formes pour que la raison que, n’ayant absolument rien, ils ont le sentiment de sortir de leur misère. Dans les pays développés, où les travailleurs ont réussi, par leurs luttes et leur épargne, à gagner un petit quelque chose, le sentiment général justifié est celui de la régression.

Le système capitaliste et ses rapports sociaux ont donc profondément évolué au cours des 50 dernières années. Les pays du monde entier ont été et sont bouleversés par cette évolution, qui s’accompagne de fortes migrations de population. Il s’agit, bien souvent, pour elles, de survivre en fuyant la misère.

Et pourtant, le système capitaliste en tant que tel n’a pas fini d’accomplir sa mission historique, qui est de contribuer à la production « des choses matérielles », à l’industrialisation du monde. Les pays de Tiers-monde (80% de la population) avaient essayé « les solutions socialistes » pour se développer. Mais ils ont pris conscience de ce que le moyen le plus rapide de le faire était de recourir au capitalisme, fût-ce sous contrôle. Ce dernier n’est donc pas mort.

4) La quatrième idée a trait aux organisations régionales, formées après 1945 ou au cours de cette période. L’une d’elle, l’Union européenne, nous concerne de très près, évidemment. Le premier traité important relatif à cette union fut signé en 1957, avant, par conséquent, que ne s’affirme le processus de mondialisation capitaliste. Mais ce dernier s’en est emparé et les forces sociales qui le dirigent ont réussi à lui donner la forme qu’elles souhaitaient lui donner :

a) être un chaînon intermédiaire de rationalisation des rapports entre les pays développés européens, généralement de petite taille, et le marché capitaliste mondial,

b) harmoniser et intensifier les règles de l’exploitation capitaliste sur le territoire européen lui-même, ou à ses frontières. Le mécanisme de la monnaie unique placé sous la direction du grand capital allemand, est la forme résumée de ces exigences.

Cela dit, ce chaînon intermédiaire, que l’on peut appeler « La Petite Mondialisation », n’a pas fait mieux que la chaîne tout entière, « La Grande Mondialisation ». L’Union européenne est un échec tout comme la Mondialisation capitaliste proprement dite.

Au terme de cette présentation, je tire, pour ma part, la conclusion suivante pour ce qui concerne la contradiction principale propre à la société française :

Le problème majeur actuel que l’on doit aider les salariés de ce pays à résoudre n’est pas tant celui de la sortie et de l’abolition du capitalisme, que celui de sa maîtrise, de son guidage, de son recul, tant au plan national qu’européen et mondial. Cela veut dire que dans ce processus, un certain nombre de capitalistes ont leur place, quand bien même les prolétaires devraient tenir un rôle éminent dans ce guidage effectif.

Mais comment peut-on prétendre que la contradiction principale actuelle n’est pas celle qui oppose et unit le capitalisme au socialisme ? La globalisation n’a-t-elle pas étendu les rapports capitalistes à toute la planète au point que désormais, la lutte se déroulerait entre le système mondial capitaliste et les travailleurs du monde entier ?

Deuxième partie : La contradiction principale
sous-jacente à la crise européenne et mondiale
actuelle du capital est déterminée par la
structure sociale du capitalisme financier mondialisé

S’interroger sur la contradiction principale de la situation que l’on observe vise à mieux cerner les forces sociales et politiques sur lesquelles le mouvement révolutionnaire peut et doit prendre appui ainsi que les forces sociales et les organisations politiques à combattre.

Avec la théorie de Marx, il est clair que la contradiction principale caractéristique de la crise sévissant actuellement en France est celle entre le Capital et le Travail. Ce résultat est bien connu.

Je crois, cependant, qu’on ne peut pas en rester à ce niveau d’analyse, et que, en raison même du processus actuel de la mondialisation capitaliste, totalement nouveau par rapport à ce qu’analysait Marx, on doit se demander s’il n’y a pas lieu d’enrichir cette conceptualisation de base. Je vais décomposer ma réponse en 3points.

- 1) Premier point. Dire que la contradiction principale dans le capitalisme est celle du Capital et du Travail est un énoncé banal. Il s’agit d’une contradiction de premier ordre, ne pouvant être dépassée que par « la négation » de l’un des sujets de la contradiction. Comme disent les marxistes, elle est antagonique.

Pourquoi cette contradiction est-elle « basique » selon eux ? Pour Marx, l’économie est le fondement de toutes les activités sociales, qui ont nom : production, circulation et partage de la production, recommencement de la production. L’interprétation de ce processus, de sa dynamique, en serait donnée par la connaissance des rapports de propriété privée s’exerçant, directement ou indirectement, sur les moyens de production, de commercialisation, de financement, et sur la production. Or la contradiction en question porte sur l’ensemble du produit et sur le partage, qui s’en déduit, entre les profits et le reste. C’est donc la contradiction principale. Les classes sociales qui sont motrices de cette contradiction sont les classes sociales fondamentales.

La contradiction Capital/Travail, c’est à peu près ça. Sans m’expliquer davantage, je rappelle que cette contradiction est, c’est ma conviction, constitutive de la vie quotidienne de tous les salariés, publics et privés, et qu’un certain nombre de petits patrons, qui sont aussi des travailleurs, en subissent eux aussi, et parfois durement, les effets.

Raisonner à partir de cette contradiction, disent encore les marxistes, revient à s’en référer à l’essentiel. Car il existe d’autres contradictions, certainement tout aussi brutales, mais seulement dérivées de la contradiction principale. Ainsi en est-il, par exemple, de la contradiction pouvant exister, dans la crise, entre les travailleurs, sur le marché du travail, ou même entre les possédants, les entrepreneurs, sur le marché des produits et pour le partage du profit. La crise les oppose entre eux, les uns et les autres, sans ménagement.

Toutefois, la contradiction entre travailleurs ne porte que sur les salaires, lesquels ne sont qu’une fraction du produit total. La contradiction entre les capitalistes ne porte, elle aussi, que sur une fraction du produit total, le profit global. Ce sont des contradictions de second ordre. Elles ne portent que sur une partie du produit et ne font intervenir que l’une des composantes de la société, alors que la contradiction Capital/Travail porte sur tout le produit et met en mouvement l’ensemble des acteurs sociaux. Elle est antagonique car elle est sans fin. L’accumulation du capital est un processus qui n’a pas de limite en lui-même. Il n’a de limite que dans les crises qu’il provoque.

- 2) Deuxième point. Je crois que tel est le schéma de raisonnement inconsciemment mis en œuvre aujourd’hui, en France, par une partie de l’opinion publique, à l’égard des travailleurs étrangers, plus généralement de l’immigration, et de la perception de leurs rapports avec les travailleurs et la population française. La crise économique serait marquée par deux sortes de contradictions : une contradiction Capital/Travail et deux contradictions Capital/Capital et Travail/Travail. La contradiction Travail/Travail serait, comme la contradiction Capital/Capital, de nature secondaire.

De plus, si on laisse de côté la contradiction Capital/Capital (celle entre les entreprises), cette partie de l’opinion publique estime qu’il serait toujours possible de trouver, voire d’inventer des contradictions économiques et raciales entre les travailleurs pour dédouaner le Capital de ses propres responsabilités, tout en entraînant une partie de la population pauvre et modeste dans des voies sans issues. Tenir pour important la contradiction entre Travail des résidents en France et Travail des étrangers signifierait que l’on prendrait le secondaire pour l’essentiel, tout en risquant de se fourvoyer dans des impasses idéologiquement dangereuses.

Les spectres du fascisme et du nazisme sont présents derrière ces interprétations, favorables à l’immigration. La vraie contradiction principale serait la contradiction classique, celle opposant le Capital et le Travail. Les trotskistes du NPA, par exemple, qui sont des ayatollahs du marxisme, préconisent l’ouverture complète des frontières aux travailleurs du monde entier, sans doute pour la raison que, indépendamment de leur tendance naturelle à l’irresponsabilité politique la plus totale, cette contradiction ne serait, selon eux, que secondaire.

- 3) Troisième point. Ce que je crois, cependant, est que cet énoncé, bien que fondamental, est une abstraction. Pour l’instant, je ne fais même pas allusion au fait qu’il relève de l’économisme le plus complet. Les habitants d’un pays ne vivent pas seulement dans « des rapports de production » ! C’est avoir une approche étroite du marxisme que de réduire la vie à son fondement économique exclusif.

Cela dit, en s’en tenant à ce seul niveau (celui de l’économie), prendre seulement en compte la contradiction « Capital/Travail », c’est comme parler du capitalisme en général. Or il n’y a pas de capitalisme en général. Il existe, il a existé, par exemple, un capitalisme commercial, un capitalisme industriel, un capitalisme financier, et ainsi de suite, et dans chacune de ces déterminations, de nouvelles déterminations aident à préciser les premières.

Si l’on veut cerner la contradiction principale dans une société donnée, il faut préciser de quel capitalisme on cherche à décrire la structure fondamentale. Selon moi, l’abstraction que je critique a le défaut majeur de ne pas tenir compte de la situation concrète. Les marxistes ne peuvent prétendre être scientifiques (ce sont d’ailleurs eux qui le disent et nul n’est forcé de les croire) que s’ils tiennent compte des faits, et non s’ils répètent ce que disait ou écrivait Marx.

Il me semble, précisément, que 7 catégories de faits au moins doivent être intégrées à l’analyse marxiste du capitalisme contemporain pour répondre à la question que j’ai soulevée en tête du présent article. La société contemporaine n’est pas structurée par « le capitalisme » (ce qui est une généralité). Elle est aujourd’hui structurée par « la mondialisation capitaliste financière ».

Certains disent que le « le capitalisme » a toujours été mondial. Pour cette raison, ils se croient autorisés à ne pas tenir compte des différences profondes existant entre les diverses étapes de l’histoire. Comme le capitalisme aurait toujours été mondial, du coup, le capitalisme contemporain serait comme les autres, et basta.

A supposer que le capitalisme ait toujours eu une vocation mondiale, les rapports qui l’ont structuré ont varié d’une époque à l’autre de mondialisation. Cela veut dire que la mondialisation capitaliste contemporaine n’est pas « un petit quelque chose » dont il faudrait saupoudrer le concept de capitalisme pour savoir comment fonctionnent les économies aujourd’hui. La mondialisation capitaliste est la forme moderne, vivante, du capitalisme contemporain. La contradiction principale que je cherche à cerner n’est pas celle du capitalisme en général. C’est celle du « capitalisme financier mondialisé ».

Si l’on raisonne de cette manière, il se dégage de cette perception des rapports sociaux actuels une analyse de la contradiction principale entre Capital et Travail que je crois plus exacte que celle découlant du modèle marxiste abstrait évoqué ci-dessus. Les 7 catégories de faits que je retiens sont les suivantes :

a) Dans le contexte de la mondialisation capitaliste, le rapport entre Capital et Travail est, médiatisé par les Etats, les Nations, les Grandes organisations internationales, les grandes firmes multinationales, les populations. Le rapport Capital/Travail n’est pas un rapport direct, c’est un rapport médiatisé. Par conséquent, les éléments de la médiatisation sont des acteurs concrets, certains très puissants, d’autres de rang inférieur, du processus considéré.

b) La mondialisation capitaliste contemporaine induit que le Capital fonctionne de plus en plus comme capital fictif. Pour Marx, dans Das Kapital, le capital fictif (de même que la monnaie) étaient l’aboutissement de sa réflexion théorique. Aujourd’hui, le capital fictif est le point de départ permanent et régulier du fonctionnement du capitalisme mondialisé. Le rapport général entre capital et travail prend donc aujourd’hui la forme concrète spécifique du rapport entre Capital fictif et Travail. Ce rapport n’est pas le même que celui existant entre Capital et Travail au sein du capitalisme industriel de la machine-outil.

c) La mondialisation capitaliste engendre d’importantes migrations de populations. Celles-ci se déplacent pour des raisons économiques de survie, que ce soit par suite de l’appauvrissement extrême de leur économie ou de destructions guerrières impérialistes. Cela fut déjà vrai au 19ème siècle : les migrations irlandaises, polonaises, allemandes, etc. Mais aujourd’hui, il semblerait que ce processus touche l’ensemble des populations du monde, à une époque où la population en général a fortement augmenté.

d) Les entreprises multinationales jouent le rôle le plus actif dans la mondialisation du Capital et du Travail. Elles en sont les agents moteurs. Elles poussent à la formation d’un tissu mondial de places financières. Elles définissent de nouvelles lois de fonctionnement du marché capitaliste mondial et de nouvelles règles de formation de la valeur des marchandises. Elles impulsent de nouvelles technologies, de nouvelles règles de management des entreprises. Elles tendent à se subordonner, autant qu’elles le peuvent, toutes les populations du monde, toutes les ressources du monde.

Elles interviennent également et prioritairement sur le Travail à l’échelle mondiale. Elles le façonnent et le répartissent selon leur besoins. Dans ce processus, par exemple, le Travail est scindé en plusieurs segments. L’un est lié aux territoires nationaux et à leur Etat (les administrations, les activités du marché intérieur), l’autre est lié aux territoires du monde prospectés par ces multinationales. On observe, par ailleurs, que ces entreprises refusent de payer l’impôt national pour des motifs de compétitivité mondiale. Pour les mêmes raisons, elles soutiennent toute politique de réduction drastique des services publics nationaux, ainsi que des acquis sociaux des travailleurs. De manière générale, leur action mondiale, qui a une origine privée, est évidemment engagée sans aucune précaution et sans souci des conséquences. L’intérêt collectif n’est pas leur problème.

e) Pour agir mondialement, les entreprises multinationales ont créé progressivement et de manière expérimentale un tissu complexe d’organisations internationales. Elles continuent à le faire. Elles contribuent à l’élaboration d’accords divers entre les Etats, entre les zones économiques. Le socialisme de type social-démocrate puise dans ces organisations une partie de ses ressources humaines dirigeantes.

f) Compte tenu, via la mondialisation capitaliste, de la généralisation du mode capitaliste de production à toute la planète (c’est-à-dire à 80% de populations supplémentaires par rapport au monde de 1970), la contradiction Capital/Travail s’est doublée de la contradiction Capital/Nature. Certes, cette contradiction est apparue avant 1970. La recherche désespérée du développement économique s’est accompagnée, dans certains pays, de vastes destructions naturelles. Dans les pays développés eux-mêmes, la nature a été mise à contribution de manière irréfléchie et dangereuse. Mais avec la mondialisation capitaliste, ce processus a encore pris de l’ampleur. On observe aujourd’hui la tendance spontanée du capitalisme à transformer certains Etats en vastes poubelles, à déverser sur d’autres pays les productions les plus polluantes. Certains gouvernements prennent, dans ce cadre, des décisions planétairement irresponsables, comme celles actuellement en cours aux Etats-Unis. Pour prendre place dans la compétition économique mondiale, ces pays sont prêts à réduire les frais sociaux de production de tous les faux-frais liés à la protection de la nature.

g) Enfin, on ne peut manquer d’observer que la mondialisation capitaliste contemporaine, bien qu’économique dans ses motivations, agit comme un phénomène social total. Ce ne sont pas seulement les aspects matériels de la vie des sociétés qui sont bouleversés et mis en rapport. Ce sont aussi leurs dimensions idéelles, intimement liées à leurs dimensions matérielles. Les religions, qui sont au principe de la formation des sociétés, sont aux premières loges de cette confrontation souvent brutale. 1)

Le fait remarquable est, toutefois, que la mondialisation capitaliste oblige aujourd’hui, de manière quasiment quotidienne, à entreprendre ce genre de recherche, à y réfléchir, à en tirer des conclusions pratiques.

Dans ce contexte, d’autres contradictions mériteraient certainement d’être mentionnées ou examinées. L‘agriculture, par exemple, est une activité fortement mondialisée quoique dotée de particularités. Comment la mondialisation capitaliste s’empare-t-elle de ces particularités ? Ou encore : Le capital industriel est certainement, de tous les capitaux réels, le plus susceptible d’être mondialisé. Mais peut-on, par exemple, développer dans un pays une recherche scientifique nationale conséquente si le tissu industriel de ce pays est complètement éparpillé et mondialisé ?

Pour résumer ce que j’estime être les traits principaux de l’incidence de la mondialisation capitaliste sur les Etats et les nations des années 1950-1970 (les 7 aspects précédents), je dirai que le système capitaliste relève d’une dialectique nouvelle, faite de rapports sociaux de production, de consommation et d’idéologie, modifiés non pas dans leur essence ultime mais dans la profondeur de leur forme. Les Etats, les Nations, les populations continuent d’exister avec l’apparence que revêtaient ces entités avant la crise structurelle des années 1970. Mais elles ont changé de configuration. Elles se meuvent dans des rapports politiques et culturels inédits. Elles sont traversées ou portées par des techniques qui les bouleversent complètement. Elles sont soumises à des rapports économiques et politiques qui les soumettent à des tensions considérables et les font exploser. Le problème que l’humanité doit aujourd’hui résoudre est celui de la maîtrise de de cette dialectique nouvelle. Par quels rapports politiques nouveaux en orienter le cours ?

Je vais maintenant essayer de conclure globalement cette deuxième partie.

Dans le langage courant du marxisme, la contradiction principale caractéristique de la France actuelle est perçue comme étant une contradiction entre le Capital et le Travail. Mais cet énoncé, qui était acceptable jusque dans les années 1960-1970, ne fait que répéter les propos de Marx ou d’Engels. On doit aujourd’hui le préciser, et donc le reformuler, de 3 manières au moins.

1) Cette contradiction fonctionne concrètement comme contradiction entre « les forces de la nation et les forces de la mondialisation ». La contradiction entre Capital et Travail prend la forme de la contradiction entre la Nation et la Mondialisation.

2) Compte tenu du contexte dans lequel se déploie cette contradiction et des caractéristiques de la mondialisation capitaliste en cours, la contradiction entre Nation et Mondialisation ne peut pas être identifiée à une contradiction entre Capitalisme et Socialisme, quand bien même aurait-elle une dimension mondiale.

3) Les dimensions « nationale » et « mondiale » de la contradiction actuelle sont cependant chargées de phénomènes et d’interprétations contradictoires. Autant le Capital et le Travail sont des concepts théoriquement purs et bien délimités, autant la Nation et la Mondialisation sont des concepts dont les contenus sont fonction des acteurs sociaux qui s’en font les porte-paroles. Il existe des conceptions très opposées de la Nation comme de la Mondialisation.

Je crois pouvoir, dans la conclusion de cette deuxième partie, expliciter les points 1 et 2 que je viens de formuler. Je reporte à une troisième partie l’examen du point 3

Explicitation du point 1 : Comment peut-on affirmer que la nation est l’un des pôles concrets de la contradiction entre Capital et Travail et que l’autre pôle en est le monde capitaliste ?

a) Je prends l’exemple de la France, pour simplifier. Un premier élément de réponse consiste à noter que, dans un pays comme la France, le territoire national est le cadre dans lequel a notamment lieu la consommation de celles et de ceux qui vivent sur ce rocher et ne peuvent le quitter. Cette consommation est en partie satisfaite par des productions nationales. Ce qui compte, pour les entreprises effectuant cette production, est la Demande Intérieure.

D’un autre côté, existe la consommation permettant l’écoulement de la production des grandes et très grandes entreprises. L’espace national n’est pour elles qu’un segment de l’espace mondial. Pour ces grandes et très grandes entreprises, ce qui compte est la Demande mondiale.

La mondialisation capitaliste met la Nation sous tension dans la mesure où les exigences de la Demande mondiale dominent celles de la Demande intérieure, qui lui est entièrement subordonnée.

b) Les contraintes propres à la demande mondiale (formation d’un prix unique mondial, qui soit le plus bas possible pour un niveau de qualité adéquat) se répercutent donc, via les capitaux multinationaux investis sur le territoire national, comme contraintes sur les travailleurs, et les petits entrepreneurs liés au marché intérieur. Le temps de travail, les conditions de travail, les rémunérations, qu’elles soient directes ou indirectes, sont concernées. Inutile de faire un dessin.

c) L’organisation juridique et institutionnelle de ces contraintes est d’abord effectuée au plan national. Celle-ci est doublée, en France, par un système de contraintes organisées au niveau de l’Union européenne. Les travailleurs et les producteurs nationaux subissent donc 3 niveaux convergents de contraintes, économiques et institutionnelles : la contrainte mondiale, la contrainte de l’Union européenne, la contrainte française stricto sensu.

d) La circulation des capitaux, les achats, les ventes, les dépeçages d’entreprises pour la revente, et autres particularités du capitalisme financier mondialisé sont un dernier point que je vais évoquer. Il en ressort que les travailleurs sont l’objet d’un marchandage particulier. D’un côté, les salariés vendent leur force de travail sur le marché du travail national. Mais d’un autre côté, ils sont globalement achetés par des capitalistes issus du monde entier et qui achètent ici et là des entreprises, pour les raisons concrètes les plus diverses, et bien sûr, pour le motif du profit maximum, sans considération des intérêts collectifs et nationaux des pays concernés.

En bref, les 4 éléments que je viens d’évoquer illustrent ma conclusion selon laquelle la contradiction entre Nation et Mondialisation capitaliste est la forme de la contradiction entre Capital et Travail. Cela ne veut pas dire que la contradiction entre Capital et Travail a disparu. Cela veut dire qu’elle fonctionne dans une enveloppe particulière. La contradiction Capital/Travail a été transformée.

Explicitation du point 2. Je crois que certains communistes pour lesquels la contradiction principale actuelle est celle entre Capital et Travail, estiment que celle-ci prend aujourd’hui la forme de la contradiction entre Capitalisme et Socialisme.

Ils font reposer leur conviction sur 2 hypothèses, que je ne partage pas. Il faut approfondir la discussion, cela va de soi. Mais voici mes raisons.

La première est l’idée selon laquelle le capitalisme aurait complètement fait son temps. Qu’on le regrette ou qu’on s’en réjouisse, le moins que l’on puisse dire est que les évolutions ne se réalisent pas en 5 minutes et que les révolutions mettent du temps avant de murir. Le capitalisme a encore de l’avenir devant lui. J’ai déjà abordé ce point. Je pense que le développement des pays sous-développés va donner au système capitaliste de nouvelles possibilités, même si se forment, ici et là, des ilots de socialisme.

La deuxième idée est celle selon laquelle les salariés sont unis par le même intérêt contre le capital, lui-même uni. Je pense que le capital, en se mondialisant, engendre au moins deux catégories de salariés et deux catégories de capitalistes, dont les intérêts tendent à diverger fortement.

Certains salariés sont tirés par la mondialisation capitaliste et bénéficient de l’oxygène que les grandes entreprises transnationales tirent de ce processus. D’autres au contraire, sans doute la majorité et les moins qualifiés, sont écrasés par ce processus. Des capitalistes de moindre taille, voire de petite taille le sont également.

Au total, le raisonnement que je tiens me conduit à percevoir autrement que certains marxistes le dépassement de la contradiction Capital/ Travail. Pour ceux qui pensent que la forme actuelle de la contradiction Capital/Travail est la lutte entre le Capitalisme et le socialisme, l’objectif à atteindre est celui de la Souveraineté du prolétariat.

Dans la mesure où la forme actuelle de la contradiction entre Capital et Travail est celle entre la Nation et la Mondialisation capitaliste, et que la nation est aujourd’hui un lieu de convergence d’intérêts hier tenus pour incompatibles, l’objectif de court moyen terme que l’on peut considérer comme rationnel est celui de la Souveraineté nationale, ou encore de la Souveraineté du peuple.

Que signifie, pour la France (pour les catégories sociales concernées), le fait de recouvrer sa (leur) souveraineté ? Pour la France, recouvrer la souveraineté de son économie suppose qu’elle recouvre sa souveraineté monétaire et de financement. Si les Français se donnent majoritairement ce but, la France doit donc sortir de l’euro ainsi que des filets d’emprisonnement tissés, depuis plusieurs années déjà par le Capital fictif mondial, pour contraindre les travailleurs à subir toutes les pressions des grandes entreprises, pour orienter l’épargne nationale à son gré, pour restreindre la dépense publique.

C’est à peine si j’évoque la souveraineté militaire de la France tant, dans le cadre d’une politique ouvertement pacifique, elle devrait être une évidente obligation. Il se trouve, hélas, que des individus se disant les héritiers de Jaurès, et même des « socialistes », mais plus pour très longtemps, je crois, apprécient de se soumettre, à travers l’OTAN, aux pulsions guerrières incontrôlées du grand capital américain et des russophobes maladifs de l’Europe centrale.

Enfin, il me semble tout à fait clair que la France doive recouvrer sa souveraineté démographique. La première grande mesure économique qu’ait prise le gouvernement de la Chine après 1978, est la politique de l’enfant unique. On peut raconter ce qu’on veut à ce propos, et certainement critiquer cette décision. Cela dit, c’est elle qui a permis le développement actuel de ce pays. La démographie fait partie des variables devant être absolument contrôlées.

Il revient d’abord à la nation de favoriser les naissances, si les nationaux le souhaitent. Contrairement à d’autres populations (allemande, par exemple), les Français aiment plutôt les enfants. Il faut encourager ce sentiment, car, chaque couple peut l’observer, élever un enfant coûte cher. Mais que serait une nation qui n’aurait pas d’enfant ?

Il revient ensuite à cette même nation de mettre en place, dans le cas de la France, une politique d’immigration, de regroupement familial, de degré de tolérance aux manquements à la loi, qui soit adaptée aux contraintes économiques et sociales.

Une telle politique n’a rien à voir avec la xénophobie et le racisme. On doit rappeler que Georges Marchais, en son temps, avait pris l’initiative d’attirer l’attention des Français sur les dangers d’une politique d’immigration non contrôlée, satisfaisant seulement les besoins des entreprises en main-d’œuvre mobile, flexible et pas chère.

Mais indépendamment de cette référence, je dirai que la souveraineté démographique est, dans une nation, une exigence légitime, à la fois pour aujourd’hui et pour demain. L’insertion dans la population française de populations nouvelles doit être réalisée de manière raisonnée, sans perturber le milieu d’arrivée de manière excessive. C’est particulièrement vrai à l’époque du capitalisme mondialisé.

Ce sont des propos de bon sens, qui visent à préserver les intérêts matériels et moraux « des Français de fraîche date » comme « des Français plus anciens ». La mondialisation capitaliste rompt les équilibres démographiques, en attaquant tous les lieux de production du monde. Elle engendre alors des mouvements massifs de population de nature économique, allant des pays pauvres vers les pays riches, et elle contribue au déplacement de ces populations vers des lieux de plus en plus éloignés de leurs cultures originelles.

Autrement dit, l’insertion de populations nouvelles, en France par exemple, tend non seulement à soulever des problèmes de production (rivalités sur le marché du travail) et de redistribution du revenu (accès aux allocations publiques). Elle soulève également des problèmes de consommation, en particulier de consommation de l’espace public.

Voici les 5 conclusions que j’estime pouvoir énoncer de manière résumée au terme de ce deuxième point :

- 1) Dans le cadre de la mondialisation capitaliste, la contradiction principale entre Capital et Travail est, dans le moment présent, transformée en contradiction entre Nation et Mondialisation. Cela ne signifie pas (à mes yeux, en tout cas) que la contradiction principale inhérente au capitalisme soit, pour l’éternité, figée de cette manière. Mais dans le moment présent, ce serait le cas. Il est clair que ce choix théorique a des conséquences. La perception que l’on a du monde et de l’action politique est différente si l’on pense que la contradiction principale actuelle est celle existant entre Capitalisme et Socialisme ou entre Nation et Mondialisation.

- 2) Les forces de la Nation ne recouvrent pas exactement l’ensemble des salariés, pas plus qu’elles ne recouvrent exactement l’ensemble des capitalistes.

- 3) Le contrôle de l’immigration est une partie intégrante de la défense actuelle des intérêts des salariés. Ce sont eux qui la subissent, en plus de toutes les autres formes d’exploitation qu’ils subissent de la part des capitalistes. Les mots d’ordre de lutte auprès des travailleurs résidents en Francesont totalement inaudibles s’ils ne sont pas accompagnés de préconisations explicites et d’actions réelles, relatives à l’immigration.

- 4) La priorité de l’action politique à mener est de viser les acteurs de la mondialisation, beaucoup plus que les pauvres ères qui en sont les victimes. Cela dit, même si les contradictions liées à l’immigration sont des contradictions dérivées, on ne saurait les sous-estimer. Elles doivent être abordées et traitées de manière explicite.

- 5) S’il est vrai que la contradiction principale actuelle est celle opposant les forces de la Nation aux forces de la Mondialisation capitaliste, alors il faut se donner le but, selon des modalités adaptées, de détruire cette Mondialisation, que ce soit dans sa forme mondiale achevée ou dans sa modalité européenne. Mais détruire aujourd’hui la mondialisation capitaliste, ce n’est pas, dans l’immédiat en tout cas, détruire le capitalisme.

Comment l’analyse qui vient d’être présentée permet-elle d’interpréter le rapport des forces que révèlent les sondages actuels ? Comment conduit-elle à se situer par rapport aux partis politiques et personnalités figurant dans la présente élection présidentielle ? Au centre de cette interrogation se trouve évidemment celle concernant la nature du Front national et le rapport qui s’en déduit, car la contradiction entre Nation et Mondialisation est une contradiction dont l’interprétation est complexe et qui l’est d’autant plus, dans le contexte français, qu’elle est surtout portée par un parti tenu pour fasciste, le Front national.

Troisième partie : Contradiction économique principale,
rapports des forces politiques, nature du Front national,
positions de la gauche radicale relativement
à la nation et à la mondialisation

Les sondages actuellement réalisés donnent une certaine image du rapport politique des forces en France. 2)

Avec un taux d’abstention grossièrement estimé à 30%, le nombre des personnes se déclarant immédiatement favorables à la destruction du capitalisme représenterait environ 2% des intentions de vote. Les partisans de l’Union européenne et de la Mondialisation capitaliste seraient, en revanche, majoritaires. Je vais appeler ce sous-ensemble le GROUPE 1. Il représente 52 % si l’on totalise les intentions de vote exprimées en faveur de Fillon, Hamon et Macron. 3)

Quant au nombre de ceux que l’on peut considérer comme étant à la fois des opposants à la mondialisation capitaliste, à l’Union européenne ainsi que des partisans de l’intérêt national (le GROUPE 2), il atteindrait environ 44 %. (Asselineau, Dupont-Aignant, Le Pen, Mélanchon).

En bref, la contradiction principale tendrait aujourd’hui, parmi les individus décidés à voter, à fonctionner en faveur du grand capital financier, de l’Europe capitaliste et de la mondialisation capitaliste plus qu’en faveur des intérêts nationaux.

Une autre remarque s’impose. L’ensemble de ceux qui s’opposent à la mondialisation capitaliste (le GROUPE 2) est fracturé. Il comprend d’un côté une personnalité qui est supposée incarner les valeurs de la gauche (Mélanchon). Il comprend de l’autre côté, des personnalités et des partis qui incarnent les valeurs de la droite, voire, disent certains, de l’extrême-droite.

Il est clair, même avec toutes les précautions nécessaires, que la situation n’est pas favorable aux salariés, au sens où le souhaitent notamment les communistes. Comment interpréter ces chiffres de manière plus fine ? Quelle action stratégique est envisageable, dans ce contexte ?

Je vais développer mon argumentation en 3 points.

Dans le premier, je vais indiquer brièvement ce qui fait, selon moi, l’unité du GROUPE 1 et qu’elle sera la stratégie du GROUPE1 pour gagner ces élections. Plus exactement, je crois que les composantes de ce groupe sont plus « unies » que les composantes du GROUPE 2, et que, cherchant à tirer avantage de leur plus forte cohésion, elles chercheront à puiser dans le GROUPE 2 les forces dont elles auront besoin pour triompher. Je rappelle que les membres du GROUPE 1 sont définis selon moi par leur adhésion à la mondialisation capitaliste alors que les membres du GROUPE 2 sont plutôt rattachés à la défense des intérêts nationaux.

Dans ce deuxième groupe, puisque la rupture s’opère à son niveau avec les autres composantes du Groupe 2, je vais me demander quelle est la nature de Front national ? S’agit-il d’un parti fasciste ? S’agit-il d’un parti d’un autre type et, si oui, lequel ? Ce parti entendra-t-il les appels que lui lanceront les membres du Groupe 1 ? Ou la guerre sera-t-elle déclarée ?

Dans le troisième, je m’interrogerai plus brièvement sur les raisons pour lesquelles l’autre fraction du Groupe 2 a tant de mal à développer sa propre approche de la nation et sera sans doute sensible aux appels que lanceront les membres du GROUPE 1.

1) Premier point. Je dirai d’abord quelques mots des partis du GROUPE 1, de leur rapport à la mondialisation capitaliste, et dans ce cadre, des partis de l’alternance : Les Républicains et le Parti Socialiste.

Je crois que l’interprétation de ce groupe, de sa fonction historique, de son devenir immédiat, est sans mystère. On perçoit bien aujourd’hui comment les problèmes vont se poser à défaut de connaître quels seront les résultats obtenus.

Comme chacun le sait, ces partis ont occupé tour à tour la scène politique depuis les années 1980 et ont été d’accord pour entrer dans la grande mondialisation comme dans la petite mondialisation. C’est à juste titre que le Front national les a globalement appelés : l’UMPS. Leurs relations ont l’apparence de l’inimitié. C’est pourquoi ils peuvent jouer à l’alternance. Mais ils sont amis sur l’essentiel, c’est-à-dire le capitalisme financier mondialisé.

La droite parlementaire, qui fut d’abord gaulliste, se sépara du gaullisme au cours des années 1970 puis se familiarisa avec la Mondialisation capitaliste et l’Union européenne, aidée en cela par le Parti socialiste.

Tout cela est bien connu. Le Parti socialiste, en tant que loyal serviteur du capitalisme depuis Léon Blum, ne dérogea pas, lorsqu’il accéda au pouvoir et qu’il y porta le Programme commun de gouvernement, à sa tradition de collaboration de classes. Il apprit progressivement, mais encore assez rapidement, à marcher avec et dans les chaussons de ce système capitaliste renouvelé au fur et à mesure de sa globalisation. Il est dès lors devenu incapable de satisfaire la moindre revendication ouvrière au plan national. Sa stratégie de pompage des voix communistes, pour aller au pouvoir tout en satisfaisant quelques revendications de portée immédiate, perdit de son efficacité au fur et à mesure que le capitalisme devenait à la fois financier et mondialisé. En effet, la mondialisation capitaliste a mis fin à toute action de relance de la consommation intérieure par l’intermédiaire du budget. Les classes populaires, comprenant qu’elles concluaient avec le PS un marché de dupe, se sont retirées de la vie politique.4)

La droite parlementaire et le Parti socialiste ont alors perdu tout contact, autre qu’électoral, avec la Nation. Ainsi que l’aurait peut-être dit Hébert le gauchiste de la Révolution française, ces partis, foutre, de patrie n’en n’ont point. Ils portent l’un et l’autre, avec leurs particularités, cela va de soi, mais néanmoins ensemble, la responsabilité de la crise actuelle, qui est à la fois crise de la mondialisation capitaliste, crise de l’Europe capitaliste liée à la mondialisation, et finalement, crise de la France et de chaque nation (ou de chaque Etat) en particulier.

Il est dès lors très possible qu’ils soient éliminés du premier tour de l’élection présidentielle. Mais comme on peut le comprendre aisément, ils disposent d’un cheval de réserve, le cheval Macron. Ce dernier est au Sourire ce que Jean Lecanuet était à la Brosse à dents. Au plan politique, c’est apparemment une pure création.
Fonctionnant comme un Monsieur Ouine de la politique, il séduit, oui, oui (pardon, non, non).

Comme je l’ai indiqué supra, mon hypothèse est que la mondialisation capitaliste produit un salariat et une bureaucratie spécifiques qui divisent suffisamment l’ensemble salarial pour que ce candidat réserviste puisse bénéficier du soutien de celles et de ceux des salariés que la mondialisation capitaliste abreuve et nourrit. Il pourrait donc se présenter, de façon immédiate, comme « un candidat de secours et de sécurité » pour les deux partis classiques de l’alternance, dans l’hypothèse où Marine Le Pen, ou tout autre candidat hostile à la mondialisation capitaliste, risquerait d’accéder à la présidence. Cela dit, pour gagner, il lui faut plus de voix que celles correspondant à ses supports sociologiques naturels.

Comme je l’ai noté en introduction de ce point, alors que le sous-ensemble (GROUPE 1) constitué de la droite parlementaire, de la social-démocratie, ainsi que de la roue de secours macronienne, est, malgré ses différences, doté d’une certaine unité sur le fond, le sous-ensemble adverse (GROUPE 2), composé du Front national, des autres candidats souverainistes, du mouvements social de « la France insoumise », des candidats trotskistes et autres, est formé de morceaux actuellement inconciliables. Le Front national est, en effet, tenu pour incompatible avec à peu près tous les autres.

Je crois que le sentiment de rejet du Front national est diffus, assez général, et suffisamment fort pour que, dans l’hypothèse d’un duel Macron/Le Pen au second tour, les partisans de la mondialisation capitaliste (GROUPE 1), envisagent donc de solliciter une partie des partisans du GROUPE 2 de voter en faveur de leur candidat mondialiste, Macron. C’est ce que disent les sondages et cela ne semble pas stupide. Cela devrait être effectué, évidemment, « au nom des valeurs supérieures de la République ». C’est leur stratégie, à peu près clairement énoncée. Le rejet du Front national recule petit à petit. Mais le sentiment de sourde hostilité à l’égard de cette formation ne serait aujourd’hui pas assez en recul pour que sa victoire soit assurée. Les partisans du Groupe 1 vont donc chercher à puiser dans le Groupe 2, en raison de la division idéologique qui le traverse, les compléments de voix dont il a besoin pour triompher.

Personnellement, je n’arrive pas à considérer que la victoire de Macron, ainsi que de toutes les bestioles que cache ce galet, puisse être considérée comme une victoire de la République. Si telle était l’issue de cette présidentielle, j’envisage que la France entrerait au contraire dans une période de difficultés croissantes et ne soignerait aucune de ses plaies. Les travailleurs n’y trouveraient certainement pas leur compte. Il faut donc réexaminer « le cas Le Pen ». Pourquoi ce parti provoque-t-il un si grand rejet ? Est-ce un parti fasciste, fût-ce « à la française » ? Je ressens pour ma part le besoin de voir « les choses » de plus près. 5)

2 Deuxième point. Le « Front national » est-il un parti de type fasciste ? Si ce n’est pas un parti de type fasciste, quelle est la nature de ce parti ? Que signifie sa défense de l’intérêt national ?

a) Le Front national, parti de type fasciste ?

Un spectre hante aujourd’hui la vie politique française, le spectre du lepénisme. Il existe de nombreuses analyses (ce sont bien souvent des jugements plus que des analyses) du phénomène Front national. J’en évoque quelques-unes, sans donner de références.

L’une d’elles consiste à dire que le Front national n’existe qu’en raison de la nullité des dirigeants communistes. Si ces derniers étaient des dirigeants dignes de ce nom, le Front n’atteindrait pas l’audience qu’il a atteinte. Ce parti serait surtout le plein qui remplit le vide du Parti communiste. Il n’aurait pas de consistance intrinsèque.

Une autre analyse consiste à dire que le Front national ne serait rien sans la bourgeoisie dirigeante. Il n’y aurait, entre ces deux entités qu’une opposition de façade. Ce parti ne devrait accéder au pouvoir que si cette dernière le permettait, le moment venu. Ce serait, en quelque sorte, le bras armé de la grande bourgeoisie. Cette dernière le cacherait sous son manteau.

De façon complémentaire existe l’idée que le Front national n’a pas l’intention de mettre en œuvre ce qu’il préconise. S’il accédait au pouvoir, il y aurait beaucoup de bruit sur la nécessité de ne servir que des côtes de porc dans les cantines scolaires, et quelques gadgets de ce genre. Mais ce serait à peu près tout.

On trouve, par exemple, l’argument selon lequel la preuve de l’inconsistance et du peu de volonté du Front national de lutter contre l’Union européenne tiendrait au caractère inapplicable des mesures par lui préconisées sur ce sujet. Pour être bien certain de ne rien faire en ce domaine, le Front national s’engagerait à faire l’impossible. Et ainsi de suite. Mais s’il n’envisage pas de mettre en œuvre ce qu’il préconise, cela signifie qu’il aurait d’autres intentions, celles-ci pouvant être dangereuses.

De manière générale et dispersée, cette organisation est désignée comme étant souverainiste, nationaliste, isolationniste, raciste, islamophobe. Les plus extrêmes de ses détracteurs la définissent comme une organisation fasciste, ou fascisante.

Ce qui est étrange est que, si l’on souhaite définir ce parti autrement que de manière journalistique, on a le sentiment d’avoir d’abord à le défendre avant même d’en commencer l’analyse. Toutefois, au moment où on le défend (en regardant de près son programme, par exemple), on est confronté à tout un ensemble de pratiques « musclées », de la part des nazillons qui se planquent sous son drapeau. Je prends donc beaucoup de risque en disant qu’à mon avis, le Front national n’est pas, aujourd’hui, un parti fasciste ou de type fasciste.

Le Front national en a sans doute eu l’inspiration et son Fondateur a contribué à cette image. Il est encore chargé, dans ses troupes et son encadrement, au moins à la base, d’un lourd anticommunisme, prêt à la violence. Mais dans le moment présent, on peut noter plusieurs caractéristiques le différenciant des partis fascistes. A ma connaissance :

- 1) C’est un parti déclaré, fonctionnant au même titre que les autres partis et respectant autant que les autres partis les règles républicaines.

- 2) Ce parti ne s’entoure pas d’une voyoucratie et de gangsters visant à terroriser les populations réticentes à son égard. Des groupuscules de ce type chercheraient bien à s’y infiltrer, mais ils en ont été exclus.

- 3) Ce parti recueille la haine de la grande bourgeoisie mondialiste et de ses alliés sociaux-démocrates. Ordinairement, les partis nazis et fascistes ont fonctionné comme des alliés en dernière instance de la grande bourgeoisie industrielle et de l’aristocratie terrienne.

On peut également noter que :

- 4) le Front national ne témoigne pas (à ma connaissance) d’hostilité de principe ouverte à l’égard du syndicalisme, malgré des comportements observés, notamment dans les municipalités, à l’encontre des bourses du travail et des associations de travailleurs.

- 5) C’est un parti qui a pris ses distances avec son fondateur, Jean Marie Le Pen, dont l’inspiration était différente de celle de ses dirigeants actuels (complaisance avec la mémoire du régime de Vichy, de Pétain, de Xavier Vallat, de l’avocat Tixier-Vignancourt, propos ouvertement racistes et/ou xénophobes, provocations manquant de dignité (et fortement stupides) de la part de JMLP, etc.).

Ma conclusion, sur ce point, est que le Front national, malgré des comportements graves, témoignant que les traces de son origine sont encore fortes, n’est pas un parti fasciste ou d’extrême-droite.
Mon raisonnement se fonde sur l’importance primordiale des facteurs économiques. Si la rupture entre les intérêts des couches sociales représentées par le Front national, et celles de la mondialisation, se précise et s’affirme, le Front national devra continuer à faire son ménage interne. Les nazillons n’ont de rôle dans ce parti que si celui-ci fonctionne principalement comme supplétif de la grande bourgeoisie d’affaires. Or cette grande bourgeoisie d’affaires ne peut plus tolérer « les petits capitalistes », pas plus que la gestion socialiste de l’économie ne peut tolérer « les petites revendications ». Telle est, en tout cas, de manière que je souhaite claire, l’hypothèse sur laquelle je m’appuie. Je sais que c’est discutable.

Cela l’est d’autant plus que, dans le moment présent, les nazillons existent encore. Certains ont été mis au pas, ou exclus. Mais d’autres survivent au sein de cette organisation. L’anticommunisme musclé y fait encore recette.

C’est sur la base de ces faits observables qu’un ensemble de personnalités politiques, intellectuellement dépourvues du moindre scrupule et de la moindre honnêteté publique, interviennent pour aspirer les voix du GROUPE 2 et les recycler à l’avantage de la grande bourgeoisie d’affaires. Elles souhaitent ainsi brouiller les pistes et masquer leurs défaillances à l’aide de nobles intentions, celle en particulier de « lutter contre le fascisme ». Elles ont donc besoin de caractériser le Front national comme elles le font.

Toutefois, et indépendamment des faits observables que l’on doit réprouver et combattre dans ce parti, on note que son audience augmente. Si le Front national était un parti fasciste, alors, la France serait devenue en grande partie fasciste ? Les électeurs du Front national seraient des fascistes réels et potentiels ? Quels éléments intellectuels retiennent leur attention ? Je pense que nous devons être plus exacts dans notre analyse de ce parti. J’espère, ne minimiser ni l’anticommunisme virulent de certains de ses membres, ni l’hostilité profonde qu’ils entretiennent à l’égard de la CGT.

En même temps, les récents hurlements « au loup » de Manuel Valls, de Gérard Colomb, ou de Bertrand Delanoë, sont du théâtre.
Or les accusations de fascisme prononcées contre ce parti ne peuvent produire qu’un effet contraire au but recherché si elles ne sont pas fondées ou si elles sont mal fondées. Le Front national a acquis et d’une certaine manière conquis une réelle hégémonie dans les milieux ruraux et populaires. Sur quelles bases ? Sur celles du mensonge permanent ? Sur les bases du « cassage de gueule des communistes » ?

Certains communistes ont développé l’argument selon lequel les cris proférés à l’encontre du FN étaient injustifiés parce que, disent-ils, « le Front national est simplement un épouvantail ». J’imagine qu’il est ainsi fait allusion aux socialistes.

Mais peut-on suivre cette argumentation ? Certes, les socialistes sont des menteurs et des moins que rien. Toutefois, lorsque le Front national développe l’idéologie qui est la sienne, est-ce seulement pour la raison que le Parti communiste serait absent de la scène politique ?

Que les socialistes auraient besoin d’un épouvantail pour perdurer ? Ce parti n’aurait-il pas ses propres raisons d’exister ? Son propre mouvement interne ?

Je crains que la facilité consistant à caractériser ce parti comme parti fasciste ou d’extrême droite ait eu un triple effet et qu’il ait conduit simultanément
1) à ne pas bien comprendre la nature intime de ce parti, sa base de classe dans le contexte particulier, mais durable, du fonctionnement actuel des classes sociales au plan national et mondial,
2) à négliger, pour la raison que ce parti serait un parti fasciste, certains des points sur lesquels il attire l’attention (en particulier, le rôle et l’importance du combat national),
3) à fournir « une bonne excuse » aux manquements théoriques, sur la question de la nation aujourd’hui, de la part des organisations ayant une ambition révolutionnaire. Ces manquements théoriques doivent être à leur tour expliqués. Certains communistes s’y emploient, en particulier le PRCF, la Polex. Mais je crois que leur préoccupation est quasiment inaudible.

Au total, à mon avis, quand on aborde l’analyse du Front national sous un angle du vue communiste, on aborde plusieurs questions :
1) Quelle est la nature sociale exacte du FN,
2) Pourquoi s’est-il emparé de « la question nationale » ?
3) Pourquoi, inversement, le mouvement révolutionnaire est-il, dans sa masse, imperméable ou peu perméable à cette question ?

b) Puisque le Front national n’est pas (selon moi) un parti de type fasciste, qu’est-ce donc que le Front national ?

Voici d’abord ma réponse que je vais ensuite argumenter.
Ma réponse. Le Front national est un parti idéologiquement situé « à droite ». C’est, dans la droite française, un parti qui matérialise et incarne certains aspects, certaines valeurs particulières. La plus importante de ces valeurs, au plan économico-politique, est aujourd’hui la défense de la nation contre les agressions de la mondialisation capitaliste.

L’argumentation. René Rémond a produit sur l’histoire de la droite française depuis 1815 une analyse que l’on peut considérer non seulement comme ayant été brillante en son temps mais comme toujours actuelle. Chacun le sait, cet historien distinguait trois branches dans la droite française :

1) Une branche légitimiste, dont le Général de Gaulle fut, selon lui, l’héritier contemporain. Je crois que son propos était juste. On peut dire que « la droite légitimiste » s’est évaporée au fur et à mesure que s’imposait la mondialisation capitaliste. Elle est peut-être incarnée aujourd’hui par les candidats Asselineau et Dupont-Aignant.

2) Une branche orléaniste qui, avec ses grandes entreprises, ses affairistes et ses parvenus, s’est au contraire moulée dans le processus de la mondialisation. Valéry Giscard d’Estaing en est un représentant typique, comme l’illustre sa contribution éminente au projet constitutionnel européen de 2005 et son goût raffiné pour les diamants africains. Mais le Président Sarkozy s’est révélé n’être pas moins typiquement orléaniste et raffiné que Giscard d’Estaing.

3) Une branche bonapartiste, ayant retenu des Bonaparte, et notamment du 3ème, le souci de « la lutte contre le paupérisme », le recours au suffrage universel, l’utilisation de l’Etat dans l’économie. Le Front national actuel paraît être l’héritier à peu près typique de cette branche de la droite, socialement plus liée que les deux autres, à la petite bourgeoisie.

Cela étant dit, on doit noter un certain nombre d’évolutions remarquables par rapport à l’époque qu’étudiait cet historien. La plus importante de toutes est que son histoire de la droite française fut écrite alors que le cadre national classique était encore valide. Le général de Gaulle fut à la fois le dernier des légitimistes et le dernier des défenseurs de l’intérêt national dans le cadre de cette lignée. Aujourd’hui, la vie politique française prend place dans le contexte plus large de la mondialisation capitaliste. Il en résulte au moins 3 évolutions.

1) L’évolution la plus évidente, par rapport à l’étude d’histoire longue de René Rémond, semble être que l’orléanisme français ait réussi à s’adjoindre la social-démocratie. Les raisons me paraissent claires. Je me suis efforcé, par exemple, de comprendre de manière précise, « les pensées » de Pascal Lamy. Ce personnage est très révélateur de la liaison intime existant entre les élites des milieux d’affaires et celles de la bureaucratie mondiale.

2) La deuxième évolution notable est la disparition quasiment complète du légitimisme en même temps que croissait et prospérait la branche orléaniste. Cette évolution est également simple à comprendre. Les légitimistes étaient issus de la propriété foncière et les orléanistes investissaient dans l’industrie, la banque, le commerce. Aujourd’hui, le capital terrien ne vaut plus grand-chose et le légitimisme ne survit plus que comme idéologie. La fraction de la grande bourgeoisie industrielle qui se rallia d’abord à De Gaulle, parce qu’elle était plus colbertiste que d’autres segments de la grande bourgeoisie française ou européenne, s’est ensuite convertie à l’orléanisme et à l’expansion mondiale, car c’était son intérêt le plus évident.

3) La troisième évolution est celle correspondant aux transformations affectant la branche bonapartiste de la droite française. Cette branche tend aujourd’hui (selon moi) à se séparer de la branche orléaniste, en raison de la rupture introduite par la mondialisation entre l’économie nationale et l’économie mondialisée, entre la petite bourgeoisie et la grande bourgeoisie.

c) Qui est représenté par le Front national ?

Je ne suis pas en mesure de faire une sociologie fine des supports du front national. Il me paraît assez clair qu’il est l’expression de la fraction radicalisée du petit capital, qui serait le symétrique de la fraction radicalisée du salariat moyen. L’habileté de ses dirigeants serait d’avoir réussi à rallier une partie des prolétaires à la cause de ces petits capitalistes, ou éléments de la petite bourgeoisie, au sens classique du terme (artisans, petits propriétaires d’entreprises, agriculteurs). On peut dire, en effet, que dans l’un et l’autre cas, ce sont des travailleurs. Ils sont unis, dans le travail, par l’idéologie d’une lutte commune contre le grand capital mondialisé. C’est l’une des raisons expliquant, selon moi, que ce parti ait besoin de se « dédiaboliser », comme on dit un peu sottement. Il ne peut entrevoir de disposer d’une force politique suffisante qu’en réalisant une alliance, voire une adhésion, des éléments des couches populaires, et non en tolérant en son sein les braillards à croix gammée de papa.

A ces éléments et supports, de nature économique et sociologique, s’adjoindrait cette autre partie de la population qui est porteuse d’une idéologie nationale. Les hommes vivant en société sont déterminés par les rapports de propriété et de production qui les structurent. Mais les idées, l’idéologie, sont aussi, me semble-t-il, l’une des composantes matérielles de leur vie. La nation est une idéologie ancienne dans ce pays et toujours vivante. Maurice Allais, par exemple, prix Nobel d’économie dont les travaux sur la mondialisation, publiés sur la fin de sa vie, donnèrent une réelle impulsion théorique au Front national, est une illustration de mon propos. Cet homme d’origine modeste, dont le père mourut lors de la première guerre mondiale et qui s’éleva dans la société à la force de son intelligence, fut un pur produit de la méritocratie républicaine. L’idéologie du Front national est une idéologie de l’effort personnel, du mérite fondé sur le travail personnel, associés à la volonté nationale de la scolarisation.

En d’autres termes, le Front national ne serait pas, toujours selon moi et dans les conditions nationales et mondiales présentes, un appareil à recycler la colère populaire pour la dévoyer et la transformer en soutien des intérêts liés du parti Les Républicains et/ou du Parti Socialiste. La raison de cette transformation tiendrait à l’existence aujourd’hui de nouveaux rapports sociaux introduits par le capitalisme financier mondialisé. Contrairement à ce qui pouvait se passer au 19ème siècle entre le mouvement bonapartiste et la bourgeoisie française d’affaires, de réelles et profondes divergences économiques apparaitraient et se développeraient entre les intérêts nationaux et les intérêts de la mondialisation capitaliste.

Cette branche bonapartiste de la droite que serait le Front national, tout en conservant de la tradition bonapartiste les valeurs de la consultation référendaire et de l’intervention économique de l’Etat (que prônait par exemple Sismonde de Sismondi), reprendrait à son compte les valeurs (terriennes, régaliennes, légitimistes en quelque sorte) de « l’intérêt national ». Il est très significatif que ce parti ait fortement gagné en audience parmi les paysans et qu’il soit entendu par une partie des couches prolétariennes.

Cela dit, c’est un parti de droite, pour au moins trois raisons : 1) Un certain nombre de ses dirigeantes et dirigeants expriment des positions sociétales ou politiques conservatrices, voire très conservatrices. 2) Ce parti est l’héritier du Front national de JMLP. Son implantation sociologique initiale n’a pas été totalement modifiée par le renouvellement apporté par la dirigeante actuelle de ce parti. Il est donc l’héritier partiel de son anticommunisme et des formes musclées de son hostilité. 3) Ce parti a tendance à surestimer, dans le développement de la crise actuelle et par rapport à la contradiction « Travail/Capital », le rôle joué par la contradiction « Travail/Travail » (sous la forme de « Travail Etranger/Travail National »). Cette surestimation a pour effet contraire la sous-estimation de la contradiction « Capital/Travail », c’est-à-dire du rôle du grand Capital dans le déroulement de la crise.

Par la suite, je crois que l’on peut noter, de la part des membres de cette organisation et peut-être de sa direction, la tendance à développer la contradiction Travail/Travail comme contradiction culturelle, comme opposition entre diverses cultures, comme contradiction Culture française/Cultures étrangères. Ces contradictions ne sont pas absurdes, mais leur prise en compte est loin de fournir les solutions nécessaires. Sur ce terrain de l’idéologie, le vieil anticommunisme est aisément recyclé, cela va de soi, surtout dans ce milieu de petite entreprise et d’artisanat. Les communistes, les syndicalistes, ce sont, dans ce contexte, « des emmerdeurs », des gens « qui empêchent de travailler ».

Au total, ma conclusion est que le Front national n’est pas un parti fasciste, que ce n’est pas non plus un parti d’extrême-droite au sens où ce serait un supplétif de la grande bourgeoisie mondialisée. Je crois, en revanche que c’est un parti de droite, relevant de ce qui, en France, correspond à la tradition bonapartiste. Il en reprend l’héritage et le met au service du petit capital radicalisé.

Mais cet héritage est renouvelé par la prise en compte, de sa part, de la tradition légitimiste (la question nationale). En raison de son insertion dans le système des contradictions engendrées par la mondialisation capitaliste, ce parti bonapartiste serait devenu un héritier collatéral de la droite légitimiste et de la préoccupation terrienne et régalienne de cette dernière, à savoir l’intérêt national.

En tendance, il serait de plus en plus éloigné de la droite orléaniste, au plan non seulement de ses chefs mais de son électorat. En même temps, il conserverait des comportements anciens d’anticommunisme et d’hostilité syndicale latente. Il serait, d’une certaine manière, « à la croisée des chemins ».

En sorte que « la question » soulevée à son propos est celle de savoir jusqu’à quel point cet éloignement, cette distance, est susceptible, dans ce parti, de se traduire en opposition frontale avec les forces de la bourgeoisie orléaniste et mondialiste. Est-ce que la contradiction, de nature économique, est susceptible de se transformer en contradiction politique ?

Les grandes entreprises multinationales et transnationales, dont la droite orléaniste est la représentante politique, en accord avec la social-démocratie, ont accès au pouvoir mondial. Mais elles risquent d’avoir de moins en moins accès au pouvoir national. Or ce dernier leur est indispensable pour fonctionner au niveau mondial, et dans ce cadre (mondial), elles entreprennent des actions qui contredisent les intérêts du petit capital. Le Front national, héritier du bonapartisme et du légitimisme, cherche à ravir à l’orléanisme sa place au plan national. Irait-il jusqu’à mettre en cause les projets mondiaux de la droite orléaniste ? La contradiction Capital/Capital peut-elle aller jusqu’à la rupture entre ces deux branches de la droite ?

Finalement, je dirai, pour boucler la boucle et quitte à me répéter, qu’il existe des raisons de penser que la rupture entre ces diverses droites est loin d’être assurée mais qu’existe néanmoins une divergence profonde et croissante entre les intérêts économiques et moraux (idéologiques) matérialisés par le bonaparto-légitimisme, d’une part, et par l’orléanisme, d’autre part. Il deviendrait, dès lors, de plus en plus difficile, pour la droite orléaniste, de recourir à la droite bonapartiste pour lui sauver la mise.

Au total, le modeste observateur que je suis de cette situation générale note que l’énoncé de la contradiction la plus importante du moment, telle qu’elle est formulée par les dirigeants du Front national (la contradiction entre la Nation et la Mondialisation, entre Patriotes et Mondialistes) est un énoncé globalement « juste ». Mais dans le même temps, je note que cet énoncé provient d’un parti de droite, non détaché de son milieu originel, que cet énoncé est à son tour retravaillé comme contradiction Travail/Travail puis comme contradiction Travail national/Travail étranger, puis comme contradiction Culture nationale/Culture étrangère, la « culture étrangère » pouvant inclure l’idéologie communiste, puisque, comme chacun le sait, les communistes sont le parti de l’étranger. Enfin, je suis en droit de me demander si la rupture est durablement possible entre les fractions du petit capital national et celle du grand capital mondialisé.

Que faire dans ce contexte ? Je ne vais pas poursuivre ma propre réflexion. Je pense que je prends à rebours un certain nombre de communistes (ou d’autres personnes) pour au moins deux raisons. La première est que, pour ces camarades, la contradiction principale est celle existant entre le capitalisme et le socialisme. La seconde raison est que, pour eux, le Front national est « un parti facho, point-barre », ou « l’expression de la haine, etc. ». Il faut donc prendre le temps de clarifier « les choses » entre nous.

Je pense, pour ma part, que les deux catégories d’analyses que je viens de rappeler sont insuffisantes. Personnellement, je me situe dans le contexte de celles et de ceux pour lesquels la contradiction principale actuelle est celle existant entre la Nation et la Mondialisation capitaliste. Au plan idéologique, les analyses émises à propos de « la droite nationale » empêchent de faire face au véritable enjeu politique existant dans toute démocratie de type occidental, à savoir les électeurs et adhérents potentiels des formations politiques existantes. La démocratie de type occidental suppose l’exercice d’une hégémonie de type intellectuel et politique. Le Front national est en voie de conquérir cette hégémonie.

Je crois que nous avons trop longtemps cédé à la facilité que procuraient les propos des socialistes ou de la grande bourgeoisie sur le Front national.

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Je crois que les orléanistes ont la trouille que le Front national accède au pouvoir.

Je crois enfin que nous négligeons un autre aspect important de la réalité. La droite bonaparto-légitimiste n’est pas représentée seulement par le Front national. Les autres candidats de cette famille politique, Dupont-Aignant par exemple, font environ le 1/6 des intentions de vote exprimées en faveur du Front national. Sont-ils aussi des partis fascistes ? Lorsque qu’en 2005 , le projet de constitution européenne a été rejeté par 55% des votants, les communistes français ont eu le sentiment d’une victoire. Mais ont-ils alors réfléchi au fait que cette victoire avait été acquise par l’alliance comptable de voix de « gauche » et de « droite », et notamment celles d’électeurs favorables au Front national ?

Je ne pense donc pas que le vote de type Macron soit la seule issue, pour aujourd’hui et pour demain. Aujourd’hui, des alliances politiques avec la droite nationale ne sont pas concevables, car cette droite « n’est pas nette ». Mais elle a ses propres raisons de penser à l’intérêt national de la même façon que les communistes, ou d’autres, ont leur propre raison de penser à cet intérêt. S’il est vrai que la contradiction principale est aujourd’hui, pour nous, en France, celle opposant la Nation française et la mondialisation capitaliste sous toutes ses formes, je crois que nous devons faire marcher nos méninges au-delà des anathèmes furieux mais inopérants contre le Front national, et trouver les moyens de mener la lutte sociale et politique, à la fois pour la défense de la nation française et pour la défense de celles et de ceux que la mondialisation capitaliste a plongé dans la crise ou risque de le faire. En particulier, nous devons nous demander : « Qu’est-ce que l’intérêt national ? ».

Cela ne nous conduit absolument pas à reprendre l’idéologie du Front national, mais nous oblige à sortir de notre surdité. Mais pourquoi cette orientation fait-elle défaut ?

Troisième point : Les impasses politiques de la gauche révolutionnaire sur le problème de la nation et de la mondialisation capitaliste.

Le contenu de mon troisième point est insuffisant, j’en suis convaincu. C’est un travail à entreprendre, ou à reprendre s’il a déjà été effectué. Mais je le crois nécessaire. Cela dit, je vais m’efforcer d’indiquer quelques points de mon raisonnement. Je vais m’efforcer de noter ces points (j’en ai repéré 12). Il en existe certainement d’autres. Je ne suis pas en mesure d’en produire la synthèse.

1) Les aspects les plus clairs sont les comportements. Les dirigeants communistes semblent ne plus avoir comme autre préoccupation majeure que celle d’être réélus. Ils (elles) ne dirigent plus le Parti communiste. Ils « managent » leur réélection. Celle-ci nécessitant des voix socialistes ou centristes, ces personnes sont de plus en plus ouvertement à la remorque des socialistes, des centristes, et de leur idéologie mondialiste.

2) L’échec du Programme commun de gouvernement pèse sur les épaules des communistes. Cet échec fut celui du « socialisme aux couleurs de la France ». Or la mondialisation capitaliste a pris le mouvement communiste en défaut. Nous n’avons pas digéré cet échec.

3) Les communistes n’ont plus eu confiance dans les masses populaires rassemblées au plan national pour lutter contre la mondialisation capitaliste. Après avoir mené la lutte en 2005 contre le projet de constitution européenne (lutte qui, comme je l’ai souligné ci-dessus, fut gagnée avec la participation forte de la droite nationale et du Front nationale en particulier), il semble que les efforts politiques des communistes aient été réorientés vers la transformation intérieure de l’Union européenne. Il ne s’agissait plus de lutter contre la mondialisation mais de la réformer de l’intérieur.

4) Le syndicalisme a suivi, lui aussi, cette réorientation (idée qu’il convient de lutter pour l’Europe sociale).

5) Il faut bien reconnaître que tant la Nation que la Mondialisation sont des concepts recouvrant des réalités et des intentions parfois opposées ou non-compatibles. La Nation peut recouvrer le désir de petits capitalistes d’être protégés de la Mondialisation. Mais il en est de même des ouvriers. Or patronat et ouvriers ont par ailleurs des intérêts opposés au plan interne. Est-il possible de concilier ces « inconciliables » ?

6) Une fraction des salariés radicalisés dispose d’un capital intellectuel et culturel conduisant ces personnes à rechercher une place au sein du Capital ou à ses côtés plutôt que de lutter contre le Capital (certaines fractions des écologistes, par exemple).

7) Ces mêmes salariés sont familiers des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour eux, la nation n’est pas, ou plus, une réalité sensible. Ils ont l’habitude des voyages par avion sur longue distance. Leurs « réunions de cellule », si je puis dire, se font à Porto-Allegre ou à Bombay. Celles des prolos se font « chez eux ou chez le copain d’à côté ».

8) Je rappelle les convictions de celles et de ceux pour lesquels la contradiction principale actuelle est celle entre socialisme et capitalisme et non entre nation et mondialisation. Les partisans de la première de ces deux formulations ne vont évidemment pas promouvoir l’idée qu’il faut défendre la nation contre la mondialisation capitaliste. Cette dernière serait aujourd’hui l’antichambre du socialisme et du communisme. Ces communises peuvent parler de la nation. Mais pour eux, ce n’est qu’un background, un terrain neutre. Ils oublient, à mon avis, que les hommes sont à la fois des animaux politiques et des animaux territoriaux.

9) Les succès idéologiques du Front national parmi les couches populaires ont un effet cumulatif. Les catégories de salariés radicalisés sont de plus en plus réticentes à entreprendre un combat politique au nom de la nation, sous le prétexte que « les ouvriers sont à droite ». Sur qui s’appuyer puisque les appuis traditionnels de la nation se dérobent et rejoignent « le camp d’en face » ? Mais prendre les choses de cette manière revient à entrer dans un processus sans fin de démission et d’abandons.

10) Le rapport entre nation et mondialisation n’est pas le même partout dans le monde. La France, par exemple, en tant que nation, apparaît comme une victime de la mondialisation capitaliste. En revanche, la Chine semble se construire et se consolider en tant que nation économique tout en participant activement à la mondialisation capitaliste. Comment mener une action cohérente dans un univers apparemment diversifié et incohérent ?

11) Les communistes, la population française en général, est plutôt généreuse. L’absence de politique clairement définie, par exemple dans le domaine de l’immigration, conduit à faire prévaloir la générosité. Mais celle-ci, parfois, aggrave les conflits plus qu’elle ne les atténue.

12) Je dirai que la perte à peu près complète de culture marxiste contribue à cette déliquescence politique. Elle n’en est pas la cause, mais elle y contribue. Je crois que le raisonnement en termes de classes sociales et sur des fondements économiques est indispensable pour comprendre la dynamique de la société, à condition d’être pondéré par une approche politique, historique, idéologique de ces phénomènes. Le savoir-faire théorique des communistes semble s’être évaporé. Je ne m’exclus absolument pas de ce processus général de perte et de réduction des savoir-faire.

Je déduis de ces remarques que, pour des raisons de théorie et de points de vue théoriques, de sociologie, de rapport au progrès technique, de différences dans les moyens culturels et matériels, de différences de maturité des économies, de complexité contradictoire au plan social du fait national lui-même, de sentiments moraux, etc., les dirigeants et leaders de ce la gauche radicale ont une certaine difficulté à élaborer une stratégie claire relativement au fait national dans son rapport à la mondialisation. La contradiction principale n’est pas clairement perçue par la plupart de ces personnes comme étant celle opposant la nation et la mondialisation capitaliste.

Mes conclusions de cette troisième partie sont les suivantes :

- 1) Certains communistes estiment que nous sommes dans le corridor du socialisme. Ce que j’ai défendu dans ce texte repose au contraire sur l’idée que nous sommes dans le corridor de la destruction de la nation française.

Faire un acte révolutionnaire, à mon humble avis, supposerait donc de mettre en œuvre le sursaut nécessaire de défense de la nation française. Ce serait le moyen révolutionnaire par lequel s’opèrerait aujourd’hui la lutte contre le grand capital mondialisé, dans ses instances et ses niveaux, français, mondial, européen.

- 2) Le problème politique le plus important face à cette situation est que le Front national et quelques autres formations, formulent clairement cette contradiction, tout en la faisant rapidement disparaître et s’évanouir dans des contradictions dérivées, qui certes sont, pour la plupart d’entre elles, des contradictions vraies, mais néanmoins de second ordre.

- 3) La gauche radicale n’a pas encore trouvé les moyens intellectuels et politiques de formuler clairement cette contradiction de façon à en retirer au Front national la conduite hégémonique. Cette gauche radicale ne semble pas savoir comment définir et appréhender « l’intérêt national ».

- 4) La stratégie alors adoptée consiste ensuite à rejoindre le camp de ceux qui crient au fascisme à l’encontre du Front national. C’est ainsi qu’ils se dédouanent de leur impuissance politique, théorique et pratique. En réalité, ils laissent le champ libre aux partisans de la mondialisation capitaliste et les appuient (par exemple Chirac hier, Macron aujourd’hui).

- 5) Défendre la nation est une exigence du moment et du long terme. Cela suppose de recouvrer les composantes de l’indépendance nationale et de prendre notamment un certain nombre de précautions démographiques. La « gauche française » est devenue plus libérale dans le domaine de la circulation de la main-d’œuvre que les plus libéraux des libéraux. Cela dit, tout en prenant sérieusement en compte cet aspect de la réalité économique et sociale, sans négliger d’ailleurs ses incidences culturelles (j’entends bien que l’on se méfie de la franchouillardise mais je n’éprouve vraiment aucune sympathie pour la gauchouillardise), je crois indispensable d’insister encore sur le fait que cette contradiction est dérivée.

- 6) Il faut se convaincre, ne serait-ce que pour des raisons d’efficacité, de ce que la contradiction principale est, aujourd’hui, entre le Capital financier mondialisé et le Travail (le Travail contenant des travailleurs étrangers légalement admis sur le territoire français) et non entre les Travailleurs étrangers et les Travailleurs français. Mais cela suppose peut-être de s’adresser à celles et à ceux que l’idéologie du Front national impressionne autrement qu’en les traitant de fascistes. Cela suppose de leur indiquer des solutions vraies, mais dans le cadre d’une analyse concrète de la situation française et mondiale.

- 7) Défendre la nation ne suppose pas de mettre fin au capitalisme. A mon avis, les communistes doivent se convaincre de ce qu’il y a, et qu’il y aura encore en France, pour un temps sans doute long, des capitalistes. Mais, par exemple, rétablir les services publics qui font tant défaut à la population française, cela revient à réduire la sphère du grand capital et non celle des petits ou moyens capitalistes. Ces catégories sociales doivent trouver leur place dans une France révolutionnaire, ayant pour objectif global, de sauver la société française, la nation française.

- 8) Il est évident, à mes yeux, que la défense de la nation française, dans les conditions mondiales actuelles, n’est plus de même nature que celle qui pouvait être conçue avant la deuxième guerre mondiale, pour la raison que les pays en voie de développement se développent ou veulent le faire. Il nous faudra choisir nos alliances avec ces pays et travailler, au plan mondial, à l’isolement de l’impérialisme américain. Il y a lieu de construire un nouvel internationalisme, en sachant que l’internationalisme est un processus contradictoire, lourdement chargé de contradictions non seulement politiques mais économiques. L’internationalisme contemporain découlera de ce maillage avec les nouveaux Etats en développement. C’est de lui que sortira un monde nouveau.

- 9) Bien entendu, la tâche politique prioritaire, au-delà des élections en cours, sera celle de la construction d’une organisation qui soit porteuse des exigences et des analyses (pour autant qu’elles soient tenues pour justes) que je viens de présenter. La tentative engagée par Mélanchon peut-elle déboucher sur cette construction ? Il est clair que cet homme est animé par une conviction politique résolue. Mais peut-on concevoir qu’un « mouvement social » puisse tenir lieu d’organisation politique ?

En écrivant ces quelques lignes, je sais que je suis en décalage avec nombre d’opinions respectables. J’ai développé mes idées en les faisant reposer sur l’argumentation et non sur l’invective et dans l’intérêt commun, comme chacun peut le faire.

Jean-Claude Delaunay 13 Avril 2017

Post-Scriptum.

Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle sont aujourd’hui connus. Ceux du second tour ne le sont pas encore. Je présume pour ma part que Macron sera élu, car, malgré les évidentes et possibles manipulations, les instituts de sondage ne peuvent pas faire n’importe quoi à notre époque. En outre, un sondage de type « présidentielles françaises », est plus facile à conduire qu’un sondage américain de même nature.

Je crois, alors, avoir laborieusement mis en lumière l’existence aujourd’hui, en France, de 3 « contradictions principales » possibles.

La première est celle qui existerait entre le danger du fascisme et les valeurs de la République. C’est la contradiction des gogos, des zombis élyséens, des secrétaires généraux de parti en mal de réélection et de toute une population de gens peu scrupuleux. Je passe.

La deuxième est celle qui existerait entre le capitalisme et le socialisme. Celles et ceux qui pensent ainsi sont certainement un peu déçus par ces élections, mais pas trop. Ils, elles, savent que la tâche est rude, qu’il faudra continuer de travailler politiquement avec et aux côtés des travailleurs, dans les entreprises et dans les quartiers, pour faire progresser la conscience de cette exigence.

La troisième contradiction principale est celle qui existerait entre Nation et Mondialisation capitaliste. Cette contradiction me semble la contradiction réelle, mais elle est plus complexe à traiter que la précédente, car elle est, elle-même, très contradictoire.

Evidemment, il ne peut pas y avoir simultanément 3 contradictions principales, pas plus que de 4ème tiers dans un verre de Pernod. Il faut choisir.

Ce qui paraît intéressant à souligner est que la prise en compte de cette 3ème contradiction comme contradiction principale (Nation/Mondialisation) ouvre à celles et ceux qui partagent la conviction de son existence, sans que cela réduise en rien l’exigence du travail révolutionnaire, des perspectives d’action de court moyen/terme, en même temps que de vérification de la bonne foi de chacun.

Comme je l’ai dit en introduction, et bien que cela soit sans rapport direct avec mon analyse, je n’ai pas voté pour Marine Le Pen, car je ne suis pas accoutumé à voter pour un parti de droite, dont l’idéologie et les pratiques tendent à se stabiliser mais qui ne le sont pas encore et dont certains de ses membres demeurent des maniaques de l’anticommunisme virulent et de la croix gammée.

Cela dit, je n’ai certainement pas voté pour Macron, le candidat de la bourgeoisie d’affaires, du centrisme et des socialistes réunis.

Je dirai même que puisque le fascisme a pour caractéristique de réaliser, dans la confusion et dans la violence (celle-ci pouvant être physique, mais également idéologique, et c’est le cas aujourd’hui), l’alliance politique de certaines fractions du salariat ainsi que des classes moyennes, et de la grande bourgeoisie d’affaires, en l’occurrence mondialiste, on peut comprendre que, derrière les « oui, oui » et les « non, non » mélangés, derrière les façades souriantes, derrière le vide politique d’un programme attrape-tout mais laissant néanmoins entrevoir une volonté de fer pour que triomphe la mondialisation capitaliste, se cache une violence potentielle considérable. Le risque du fascisme, c’est lui et sa bande.

Notes :
1) Je fais état, ici, d’une distinction sémantique, que je trouve commode et de bon sens, entre les civilisations et les cultures. Les civilisations exprimeraient, selon moi, notre commune humanité. De ce point de vue, elles seraient toutes équivalentes. Les cultures exprimeraient au contraire, les diversités et différences découlant de l’histoire des sociétés, et notamment de la dynamique de leurs rapports sociaux. Je respecte, pour ma part, toutes les civilisations. Il me semble, en revanche, que les cultures ne se valent pas, car les degrés de maturité des sociétés ne sont pas les mêmes et sont parfois très éloignés les uns des autres.

2) Je rappelle que la ligne générale de ce texte a été conçue et rédigée avant le premier tour de l’élection présidentielle.

3)Je me suis appuyé sur les chiffres suivants (%) : Le Pen 24, Macron 24, Fillon 18, Mélanchon 15, Hamon 10 Dupont-Aignan 4, Asselineau 1, Poutou 1, Arthaud 1, Autres 2. Ces résultats (arrondis à la louche) sont évidemment fragiles, temporaires. Ils donnent juste une certaine idée.

4) On peut dire que, sous la IVe République et pendant les premières décennies de la Ve République, c’est la contradiction Capital/Travail qui, dans l’idéologie du PCF, a explicitement fonctionné, dans sa forme primitive et traditionnelle, dans la mesure où le combat de classes se déroulait dans un cadre national relativement stable. Avec la crise du système capitaliste des années 1970, est apparu le besoin de remplacer cette approche par celle de la contradiction entre Nation et Mondialisation, forme renouvelée, développée, de la contradiction entre Capital et Travail. Ce besoin théorique n’a cependant pas été satisfait.

5) Je suis désolé de ne pas croire un seul instant que Mélenchon puisse apparaître au second tour de ces élections. Je pense qu’il puise aujourd’hui dans la ressource constitué par l’électorat supposé de Hamon. Mais il me paraît prisonnier de son modèle, qui est un modèle de type « mouvement social ». Or ce modèle a des limites, que je ne développe pas ici. De toute façon, la preuve de la vérité ou de l’erreur de mon propos apparaîtra rapidement.


Le mentor d’Emmanuel Macron était pétainiste

Valentin Martin

vendredi 19 mai 2017, par Comité Valmy

En 2015, Emmanuel Macron déclarait à la presse « avoir été rééduqué sur le plan intellectuel par le philosophe Paul Ricoeur ».

Qui était donc ce mentor ?

Dans sa jeunesse, Paul Ricoeur fut un des doctrinaires oubliés de l’idéologie pétainiste. Il se fit par la suite le continuateur en France et à l’étranger de l’oeuvre conceptuelle de philosophes nazis. Plusieurs de ses articles soigneusement cachés mais récemment retrouvés vont dans ce sens. (http://www.sens-public.org/article537.html)

Au début 1939, Ricoeur écrit un article dans Terre Nouvelle où il évoque la « pureté du discours d’Hitler ». Cela faisait référence au discours du 30 janvier 1939 devant le Reichstag où le Fuhrer exhortait à « l’annihilation de la race juive en Europe ». Ricoeur y fustigeait les « valeurs impures de la démocratie » et « la dureté de la France pour l’Allemagne désarmée ».

En 1939, Ricoeur comprend « qu’il se tournera vers la philosophie allemande ». Il est alors sélectionné pour la participation à l’université d’été de Munich de l’été 1939.

Fait prisonnier dans un oflag en 1941, il rédige cette même année plusieurs textes de propagande qui seront repris dans la revue pétainiste L’unité française : « Propagande et culture », « La jeunesse et le sens du service social », « Le Risque ».

Il débute alors sa thèse de philosophie sur la « Volonté » en se nourrissant de la lecture d’Etre et Temps du philosophe Martin Heidegger, membre éminent du parti nazi

A la fin de cette année 1941, sont créés les Cercles Pétain qui sont des universités internes aux Oflag visant à promouvoir l’idéologie pétainiste auprès des prisonniers. Ricoeur devient « l’un des plus brillants conférenciers » du Cercle Pétain.

Après 1945, en tentant de minimiser cette « passade pétainiste », il poursuivit sa carrière internationale de philosophe en développant en France la philosophie irrationaliste de « l’herméneutique », centrée sur les thèses de Heidegger et de Gadamer.

Heidegger fut un des idéologues majeurs du régime nazi.

Gadamer fut également un conférencier du Troisième Reich. En mai 1941, à l’Institut allemand de Paris alors occupée, il prononça une conférence sur « Le peuple et l’histoire dans la pensée de Herder » où il justifiait la défaite des Lumières françaises face au nationalisme allemand.

Cette philosophie a eu une influence réelle sur Emmanuel Macron, car non seulement il s’en revendique – « Aux côtés de Ricoeur j’ai appris le siècle précédent et appris à penser l’Histoire » écrit-il dans son dernier ouvrage -, mais en plus il en a conservé les concepts. Ainsi des mots d’ « herméneutique » et de « récit » dont il abreuve les auditeurs de France Culture par exemple.

A chacun ses lectures et ses amitiés.

Mais voir aujourd’hui un candidat à la présidence de la France se faire le porte-drapeau de la cause anti-fasciste, alors même qu’il affiche avoir eu pour mentor un doctrinaire pétainiste, relève de la mascarade.


France. Deux Candidats et la Recomposition Politique.

Diana Johnstone

dimanche 14 mai 2017, par Comité Valmy

France. Deux Candidats
et la Recomposition Politique.

On vit dans un monde de plus en plus fictif, où l’imaginaire collectif est soigneusement guidé vers le rappel constant des « heures les plus sombres de notre histoire ». On exhorte les électeurs à voter pour « faire barrage » à un fantasme du passé en s’imaginant être des « résistants ». En réalité, en « résistant » aux menaces du passé on se livre allègrement aux pires dangers du présent.

Entre les cris d’orfraie et les larmes hypocrites, un peu d’analyse serait rafraichissant. Examinons à tête froide les différences entre les deux candidats en lice.

Les Programmes et l’Economie

Le programme de Macron n’est mystérieux que dans la présentation tordue qu’il en donne. Pourtant, et c’est vite oublié, il avait donné un avant-goût du mélange de désindustrialisation, de précarisation du travail et du mépris pour l’environnement en tant qu’économiste chéri du Président Hollande. Deux mesures phares donnent la mesure : une grande, la vente d’Alstom au géant américain General Electric, et une petite, la libéralisation du transport par bus. La grande annonce la fin de la France comme puissance industrielle. La deuxième illustre la préférence pour la route contre le rail, pour la pollution contre la sécurité, et surtout pour le profit privé contre les services publics (en l’occurrence la SNCF) – toujours sous prétexte de « faire bénéficier le consommateur » quand, en réalité, la spirale du moindre prix est le partenaire de la spirale du moindre salaire.

Contrairement à sa coquetterie dans la matière, Macron a un programme, écrit en grand comité par Jacques Attali, la Commission de Bruxelles, et toutes les sommités de la finance internationale qui ont fait la carrière du jeune prodige. C’est le programme de la mondialisation tous azimuts.

Les effets sur la France sont clairs. L’accélération du processus en cours. Plus de grande industrie, qui ira là où les prix du travail sont bas. Désespoir pour les paysans, les ouvriers peu qualifiés, les « périphériques » comme on dit. Mais les professions d’endoctrinement idéologique pourront poursuivre leur tâche de confondre le présent avec les années trente, de combattre « le fascisme » imaginaire. Pour ses jeunes admirateurs plus ou moins diplômés, Macron offre un rêve. Les start-ups ! Chacun qui a appris un peu d’informatique peut rêver de faire fortune en inventant quelque service superflu. Pendant que la base productive de la société s’évanouit, des milliers de jeunes louveteaux peuvent s’imaginer être des Bill Gates français de l’avenir. Pour eux, Macron s’exclame : « La France a besoin de jeunes qui veulent devenir milliardaires ! » Tout un programme : c’est le rêve américain. Et quand on échoue, on se blâme – j’ai gâché ma chance. C’est ça, le rêve américain, suivi d’un réveil pénible dans 99.99 % des cas.

La France macronisée n’existera plus qu’en terme géographique pour l’industrie du tourisme.

Le programme de Marine Le Pen est très différent. C’est un programme qui vise à aider les petits revenus, les retraités, les handicappés, à préserver les paysans, l’industrie, les services publics. La grande différence est que le programme de Macron, soutenu par l’Union européenne et applaudi par ses gouvernements, bénéficiant de l’enthousiasme médiatique, a des chances de se réaliser. Tandis que le programme de Marine Le Pen, plutôt « social », sera bloqué par les directives et les régulations de l’Union européenne et le carcan de l’euro.

Elle semble le savoir. C’est pour ça qu’au début, elle promettait même, après négociations, d’aller jusqu’à sortir de l’euro par referendum. Semblable à Jean-Luc Mélenchon. Tous les deux semblent avoir compris que la préservation de l’industrie, du travail, des services publics et même de la culture françaises exige de sortir de l’euro – et même de l’Union. Mais ils ont compris en cour de route que le peuple français de le comprenait pas, et que brandir la sortie de l’euro faisait peur. Avec Nicolas Dupont-Aignan, la sortie de l’euro n’est plus d’actualité. Mais le problème reste.

Ainsi on a le choix entre un gouvernement qui aura du mal à accomplir son programme plutôt positif, et un gouvernement qui aura tous les avantages pour accomplir son programme de destruction de l’économie et de la culture française.

La Guerre et l’Immigration

Les deux sont liés. Mais curieusement, tandis que la question de l’immigration passionne les foules, que ce soit pour ou contre, la question de la guerre ne semble intéresser personne. Et pourtant le danger est grandissant.

Avec Sarkozy/BHL en Libye, puis avec Hollande/Fabius en Syrie, la France a joué le rôle du petit chien qui, en promenade, court devant son maître en aboyant joyeusement. Emmanuel Macron se montre prêt à endosser ce même rôle. Pour ça il faut se montrer résolument contre « les dictateurs » ciblés par Washington. Macron se montre encore plus russophobe que Hollande, c’est beaucoup dire, et prêt à se joindre à « la coalition » (entreprise criminelle armée) en privant la Syrie de gouvernement au profit du chaos et d’islamistes fanatiques.

Ce sont les guerres qui font grossir les flots de réfugiés vers l’Europe. Sur ce point Macron est conséquent : il accepte et les guerres et l’immigration de masse.

Marine le Pen c’est le contraire. Elle ne veut pas d’immigrés – ou si peu – mais elle ne veut pas les guerres génératrices d’immigrés non plus.

Dans le monde de mensonges où nous vivons, le plus dangereux est celui importé des Etats-Unis, inventé par la campagne de Hillary Clinton pour excuser son échec : c’est la faute aux Russes. C’est l’ingérence de Poutine dans nos élections démocratiques. C’est un mensonge qui fait monter les tensions, exploité par le parti de la guerre, puissant à Washington. Ainsi on a créé une extraordinaire hystérie anti-Poutine à un moment où on est à deux pas d’un conflit armé entre Etats-Unis et Russie en Syrie. Les voix du maître transatlantique font tout pour répandre la même hystérie en France.

Sans doute un certain nombre des hommes et des femmes politiques et médiatiques français soigneusement sélectionnés par Washington pendant des décennies, grâce aux « programmes des Young Leaders » et autres réseaux d’influence, ajouteront leur voix aux cris de scandale contre l’ingérence russe. C’est encore un aspect du monde fictif où on veut nous tenir enfermés.

Toute cette hostilité verbale semble n’avoir d’autre objectif que de préparer les populations pour l’hostilité armée. Les néoconservateurs, toujours au pouvoir à Washington malgré la défaite de leur candidate Hillary Clinton, souhaiteraient entraîner l’Otan, et la France avec, dans leur conflit contre la Russie, que ce soit en Syrie ou en Ukraine.

Marine Le Pen est consciente du danger. Une guerre avec la Russie n’est pas dans les intérêts de la France. C’est une évidence. Trois des quatre candidats en tête du premier tour étaient conscients du danger et voulaient l’éloigner (Fillon, Mélenchon, et Le Pen). Sauf un : Macron. Le choix des grands médias et de l’oligarchie atlantiste.

Le meilleur argument en faveur de Marine est sa politique étrangère, qu’elle n’évoque presque pas. Car malheureusement, tragiquement, la paix n’est pas un argument qui porte.

Etrange époque où la gauche considère la libre circulation des immigrés plus importante que l’opposition à la guerre mondiale. Mais les deux questions sont liées. La guerre étant la cause principale des réfugiés, une politique de paix est le meilleur moyen de permettre aux gens de rester chez eux.

Cela montre que le marxisme est mort dans la gauche française. Toute trace de l’esprit du « socialisme scientifique » a disparu, toute analyse est remplacée par le sentiment. Pour presque toute la gauche, la preuve (la seule en fait) du « fascisme » de MLP est son opposition à l’immigration. Du point de vue de la classe ouvrière, l’immigration en temps de chômage a toujours été néfaste, un moyen de faire baisser encore les salaires et de priver les ouvriers de tout moyen de combat. Mais cette constatation vient d’une analyse de la situation et des rapports de force. C’est « marxiste ». Tandis que donner priorité à l’accueil des immigrants est une réaction sentimentale, un vestige du christianisme de gauche.

Et ce sentimentalisme, qui ignore causes et effets sociaux, qui ignore les rapports de force, ne fait qu’intégrer la France psychologiquement dans un monde de guerres et de misères sans fin, où la seule réaction est de sympathiser avec les victimes. Mais jamais d’agir pour combattre les causes profondes.

Oui, il faut traiter les gens correctement, qu’on les accueille ou non, et le meilleur moyen serait d’authentiques efforts d’améliorer les perspectives des pays du Sud dans tous les domaines. De tels efforts sont exclus par une politique dictée par les plus grands profits pour le capital international.

Les Candidats

Lui : un arriviste de la pire espèce, qui exprime une colère d’autant plus dangereuse qu’elle paraît vide de vraie motivation, qui cherche son objet. C’est un bonimenteur accompli, qui prétend être pour « le peuple » qu’il méprise visiblement, étant le protégé des mégalomanes comme Jacques Attali à l’ambition illimitée. Macron n’a pas honte d’utiliser la Shoah comme argument électoral, de visiter Oradour pour se donner une dimension pathétique. Le faux et l’usage de faux. L’aspect connu du personnage est un avertissement. L’aspect inconnu est encore plus inquiétant.

Elle : la fille très douée en train de « tuer le père » (en jargon psy), c’est à dire de suivre son propre chemin. Déjà son père n’était pas « fasciste » mais un tribun des petits commerçants qui, dépité par la perte de l’Algérie française, avait utilisé son bagout pour fédéraliser un ramassis de perdants de l’histoire sans autre ambition que de râler. Les Mitterrandiens ont trouvé utile de gonfler ce club de vieux réacs en menace pour la République, pour mieux cacher leur abandon des politiques socialisantes.

L’héritière a d’autres idées.

Il est très vraisemblable que pour Marine, la dédiabolisation n’est pas un moyen mais le but. Elle a souffert, jeune, d’être « la fille de » et depuis qu’elle prend en main le parti de papa elle se libère de lui comme elle se libérera du parti si jamais elle est élue. Avec Philippot et d’autres de sa génération on verra sans doute naître le « Parti des Patriotes »…

Sa plus grande faute est son islamophobie exagérée, qui n’a même pas réussi à plaire au CRIF, mais qui l’amène à prendre des positions ridicules et impossibles à implémenter, telle l’interdiction du voile musulman dans la rue, qui montre qu’elle n’a pas complété sa mue.

La Recomposition Politique

Le ralliement de Nicolas Dupont-Aignan est d’abord une caution personnelle, pour signaler qu’elle est fréquentable. Si jamais elle gagne, d’autres ralliements ne tarderont pas de marginaliser ce qui reste du vieux parti paternel.

L’ironie veut que Dupont-Aignan, qui vient la « dédiaboliser », est plus à droite qu’elle sur certains sujets. N’empêche : sa démarche vise à une recomposition du paysage politique qui permettrait de développer plus de clarté dans les débats. Le grand avantage d’une Présidence Marine Le Pen pourrait être de mettre fin à la peur de revenants et d’être plongé dans les querelles et les problèmes du présent. Le fait que le tandem Marine-Nicolas ne sera pas « fasciste » pourra crever l’abcès et obliger la gauche de se renouveler sur les bases plus réalistes.

Le « danger fasciste » est imaginaire. Un autre danger existe : l’incapacité de gouverner causée par l’opposition atlantiste/européenne d’en haut et les troubles causés par les protestations « anti-fascistes » d’en bas. Le Pen risque de ne pas pouvoir prouver qu’elle n’est pas « fasciste » parce que les désordres de rue appelleront une répression qui sera vue comme la confirmation de l’accusation. Un cercle vicieux est à craindre.

La montée du vrai fascisme fut accompagné de violence, de bagarres de rue, où des bandes fascistes intimidaient leur adversaires, les privaient de parole, les attaquaient physiquement. Et qu’est-ce qu’on voit aujourd’hui ? Les bandes d’autoproclamés « antifa » qui se comportent exactement de cette façon, perturbant les réunions et s’attaquant aux individus qu’ils accusent de « fascisme » pour leur esprit critique. Ils sont en effet les milices du système, les chiens de garde de la confusion politique. Aujourd’hui par leur comportement, les « anti-fascistes » sont les seuls authentiques fascistes en vue.

Pour être vraie, une gauche renouvelée devra renoncer à sa fictive « lutte contre le fascisme » pour lutter contre le vrai ennemi : l’impérialisme en forme de « globalisation », les guerres pour détruire le Moyen Orient, la dictature de la finance et une politique « identitaire » qui divise les peuples. Dans cette élection, la gauche a perdu. Elle a une dernière chance de choisir son adversaire politique de demain. Ou c’est la politique du pire, avec Macron. Ou c’est le choix d’un adversaire vraiment politique, avec lequel on peut trouver les désaccords et même des accords, mais basés dans la réalité du présent.

Et la classe ouvrière dans tout cela ? Actuellement, beaucoup d’ouvriers votent pour Marine Le Pen. Lorsque le Président Macron se hâtera de poursuivre le démantèlement de l’état social qu’il avait déjà entamé dans le gouvernement Hollande, je me demande avec quel enthousiasme les ouvriers qui ont voté Marine Le Pen iront rejoindre les partis « de gauche » qui auraient contribué à élire Macron en « barrant la route au fascisme ». Quelle sera la gratitude de la classe ouvrière pour cette héroïque protection ?

Si jamais Le Pen était élue, la gauche de Mélenchon deviendrait l’opposition principale, avec toutes ses chances.

Macron élu, adulé par les médias, deviendra « la gauche » renouvelée, style Clinton et Blair. Mélenchon sera « l’extrême gauche » marginalisée encore. La dernière illusion d’une gauche aux abois est d’imaginer que son intérêt serait d’élire Macron « pour le combattre ». En toute probabilité, l’opposition principale à cette fausse gauche sera… la droite.

Diana Johnstone
2 mai 2017

Diana Johnstone s’oppose activement aux guerres impérialistes américaines depuis 50 ans. Elle est auteur de plusieurs livres. Elle écrit l’introduction et la conclusion du livre des mémoires de son père, Paul H. Johnstone, From MAD to Madness : Inside Pentagon Nuclear War Planning, Clarity Press, Atlanta, 2017.

La source originale de cet article est Mondialisation.ca


L’avenir radieux de la France de Macron

Observations du Comité Valmy

lundi 15 mai 2017, par Comité Valmy

 

L’avenir radieux de la France de Macron

– Observations du Comité Valmy –

L’élection présidentielle de 2017 apparaît aujourd’hui comme totalement truquée. Une manipulation politico-médiatique et judiciaire longue et approfondie a été organisée par Hollande et l’oligarchie. L’un de ses objectifs – atteint – en était l’élimination politique de Fillon afin de faciliter l’élection de Macron « premier couteau » de l’oligarchie. Macron est le continuateur de l’UMPS et de François Hollande, choisi par celui-ci et par l’oligarchie.

Fillon, intermittent d’un gaullisme dégénéré a démontré en appelant à voter Macron son adhésion idéologique à l’UMPS européiste et qu’il ne méritait aucunement la confiance des Français.

Dans cette mascarade électorale, le chevalier Macron apparaît comme le porte-étendard de la cause antifasciste, de la liberté, et de la continuation de la démocratie. Mais l’oligarchie, la haute-finance et l’euro-dictature dont il est le pion ne sont-ils pas eux aussi porteurs de tyrannie, de guerre, de violence sociale et de mesures liberticides – en un mot de fascisme ?

Il convient donc, à partir de ses faits d’armes, de ses promesses et en identifiant ses amis, d’imaginer l’avenir radieux, promis par les médias et les politiques, et qui s’ouvrirait à la France sous la présidence de Macron.

1) Les faits d’armes

Emmanuel Macron a été ministre de Hollande, et pas des moindres. Il a été aussi dans le secrétariat général de l’Elysée. Il a travaillé à la banque Rothschild, opérateur crucial sur la dette publique française et européenne. Emmanuel Macron a participé à la réunion du groupe Bilderberg à Copenhague, les 31 mai et 1er juin 2014, en tant que conseiller de François Hollande.

Lors de son passage à Bercy, il a été à l’origine de loi de libéralisation, déréglementation et privatisation de l’économie, trois concepts clés pour les banques privées avides de s’approprier via la dette les biens publics. Outre la vente colossale de participations d’Etat, ses projets de loi ont concerné la destruction programmée de la SNCF par la loi autocar, la suppression du repos dominical, ainsi que la destruction du code du travail en précurseur de la loi travail, imposé ensuite au peuple par le 49/3. La loi Macron prévoyait le « Leasing » de nos navires de guerre, c’est-à-dire leurs ventes à des investisseurs privées.

L’opération concernant SFR a fait perdre des milliards à la France en autorisant (à l’opposé de son prédécesseur Montebourg) une multinationale étrangère à s’emparer d’un des grands réseaux de téléphonie privatisée du pays. L’opération de bradage d’Alstom aux USA et de démantèlement de cette firme stratégique est une vraie trahison qui devrait être sanctionnée pénalement (voir le rapport du CF2R), bradage auquel s’opposa notamment le FN qui réclama sa nationalisation.

Avant d’être ministre il fut à l’Elysée très proche d’Hollande et participa donc à cette politique de soutien aux terroristes en Syrie et el Lybie, et de provocation contre la Russie et contre la Chine. Il a soutenu tous les traités de libre-échange conclus ou à conclure par l’UE avec les USA en particulier.

Après les attentats que cette politique encouragea en France, Macron déclara courageusement que le peuple français, trop « défiant » (et non ses élites) était responsable de la radicalisation des musulmans de France.

2) Les promesses

Malgré le vague du programme de Macron, sa structure peut être décelée au travers de son allégeance totale à l’Union européenne, et donc à l’Euro et à l’OTAN. D’ailleurs nos « alliés » européens et de Wall Street ont salué son succès bruyamment.

Il s’est courageusement engagé à faire une loi El Komri « puissance dix », à multiplier les privatisations, notamment des deux grands mécanismes de solidarité nationale que sont les caisses de retraite et la Sécurité Sociale, à supprimer cent vingt mille fonctionnaires, à remettre en cause le modèle du CDI au profit du micro-entrepreunariat généralisé (du balayeur au pilote d’avion), mettant ainsi tous les salariés en compétition les uns avec les autres et les privant de moyens de défense collectifs. Le soutien total, dès le début des grands patrons, en premier lieu des assurances privées (le président d’AXA, de Castrie, est aussi président du groupe de Biderberg) est un indice très fort du sens de ses « réformes » sociales prévues.

Macron soutient toutes les mesures de destruction de la République française au profit d’un Etat fédéral européen composé de Länder conformément à la volonté allemande. Il ne cache pas son mépris de la République, en affirmant que ce qu’il manque à la République c’est un roi : « Le grand absent [de la vie politique française] est la figure du roi. ». Il entend faire éclater « le système institutionnel français » en différentes institutions selon les territoires.

Il soutient la signature et la mise en œuvre de tous les traités de libre échange (TAFTA…). en associant leurs détracteurs aux fascistes.

Par ailleurs au sujet de l’ouverture mondialiste qui reçoit aujourd’hui la bénédiction des banquiers et de leurs organisations politiques comme la « Open Society » de Soros, il convient de rappeler une vérité historique. Un des plus convaincus des « sans-frontiéristes » ne fut autre qu’Adolf Hitler : « La nature ne connaît pas de frontières politiques, écrit-il dans Mein Kampf. Elle place les êtres vivants les uns à côté des autres sur le globe terrestre et contemple le libre jeu des forces ». Au chapitre économique et démographique de Mein Kampf, Hitler rejette toute solution de développement interne (démographique, sociale et économique), au profit seul de solutions d’expansion militaire, coloniale et commerciale.

Macron soutient l’accroissement des « grandes migrations », comme Jacques Attali, son éternel parrain : « aujourd’hui on a cent mille étrangers qui rentrent par an, actifs. Tous les démographes tous les statisticiens disent qu’il faut dans les 15 ans qui viennent, trois cents mille étrangers actifs en plus par an » a déclaré Attali (https://www.youtube.com/watch ?v=XYaakBreKAM). Macron a félicité Merkel pour l’accueil d’un million de migrants par an en Allemagne. Le politologue Dominique Reynié, directeur de la Fondapol, qui soutient également Macron avait auparavant expliqué à la télévision que « La banque mondiale nous annonce qu’il faudra accepter 80 millions d’immigrés en 2050 en Europe – au minimum – , l’ONU dit 125 millions. » (http://www.dailymotion.com/video/x1m37i_125-millions-d-immigres-a-accueilli_news) Et qu’il était nécessaire qu’un parti politique brise enfin ce tabou, c’est-à-dire l’impose au peuple.

Le même rapport de l’ONU sur « Les Migrations de Remplacement » consacrés à la France affirme que pour maintenir le même ratio actifs/retraités il faudrait importer en France 92 millions de migrants en 50 ans, remplaçant ainsi la population à 68,3%. (1)

La destruction du modèle français industriel, centré sur le nucléaire, le rail, et une industrie compétitive dont Macron a bradé les fleurons à l’étranger, provoquera immanquablement une baisse de la productivité en France. La seule solution pour payer les retraites dans une société désindustrialisée sera alors l’immigration de masse.

Macron veut mettre en place la discrimination positive. Cette politique, imposée par l’UE qui interdit l’ « assimilation », présuppose l’existence de races, encourage les individus à revendiquer leur appartenance à une race, et engendre ainsi un accroissement des actes racistes. Cela fera la promotion d’incompétents, et ceux issus de l’immigration qui le mériteront réellement seront eux aussi soumis à cette opprobre, victimes aussi de cette politique.

Comme le veut le CAC40, il veut fermer Fessenheim et le plus de centrales possibles, mais discrètement, suivant ainsi la ligne Hollande… Les importations de combustibles fossiles exploseront, tout comme notre dépendance. L’Allemagne a importé 15 millions de tonnes de charbon en plus l’année dernière.

Concernant l’Education nationale, il prône le contrôle continu, pour continuer la destruction du bac, en réduisant à 4 les matières obligatoires, sans préciser lesquelles. Gageons que les « 3I » chers à Berlusconi (impressa, inglese, informatica), management, anglais et informatique, ne seront pas en reste par rapport aux matières scientifiques et littéraires. Il veut aussi renforcer l’enseignement du fait religieux.

Concernant l’Université et la Recherche, les syndicats qui ont appelé à voter Macron ont certainement été sensibles à ses mesures de mise en valeur de l’université : autonomie amplifiée des universités, c’est-à-dire privatisations et bradage aux multinationales. Vu qu’à Berlin, ancienne capitale de l’occupant, il a prononcé un discours en anglais, on peut imaginer qu’il défendra haut et fort la tradition académique française, ses principes, et la langue française par exemple en demandant la suppression de la loi Fioraso. Enfin la dépénalisation du cannabis qu’il préconise est une mesure de plus dans la zombification de notre peuple, en particulier de la jeunesse.

Le service militaire d’un mois, vu sa posture de provocation avec la Russie et son mépris affiché envers toute mesure d’assimilation, peut préparer la mobilisation de la jeunesse à la guerre que ses soutiens internationaux préparent. Il a d’ailleurs refusé de participer aux colloques interpartis concernant la politique avec la Russie, a refusé l’accès des médias russes à ses meetings, et a déclaré qu’il bombarderait la Syrie sans mandat de l’ONU…

Appuyé par une majorité de circonstance, il pourra envoyer l’armée aux quatre coins du monde, et, laissant, selon les traités européens, le Conseil européen prendre les mesures « de sécurité et de défense commune », l’UE pourra pratiquer des mesures de force, intérieures et extérieures, sans aucun avis (et véto possible) des parlements nationaux.

D’autres « petites mesures » fiscales préparées discrètement pour « sauver de la faillite » la France, risquent de les forcer à réduire le « patrimoine » des classes moyennes. Les amis de Macron proposent par exemple « le loyer fictif », qui, ajouté à leurs revenus annuels, les propulsera dans les catégories privilégiées de l’échelle de l’imposition… éventuellement associées à une réévaluation vers le bas de l’imposition sur l’ISF.

Et pour couronner le tout, Macron se propose de « gouverner par ordonnances », ce qui est un grand signe de démocratie, régime qui selon lui, « ne se suffit pas à lui-même ». Macron n’a pas caché non plus son mépris par les suffrages du peuple : être élu pour accéder aux plus hautes responsabilités, a-t-il dit, était un « cursus d’un autre temps ». Le référendum sur l’appartenance à l’UE promis par Le Pen est-il lui aussi l’élément « d’un cursus d’un autre temps » ? Macron lui veut s’inspirer du « modèle suédois », en réalité une dictature à parti unique qui a privé à jamais le peuple de la possibilité d’une alternance.

3) Les amis

Après l’ENA, Macron choisit de pantoufler dans la banque privée…

Son séjour à la Banque Rotschild fut l’occasion pour lui de réaliser la vente de Pfizer à Nestlé pour 9 milliards de dollars. Ayant reçu officiellement plus de 3 millions d’euros lors de son passage dans cette institution, (ce qui est très peu en regard de l’opération mentionnée plus haut), nous sommes stupéfait de constater que son patrimoine est inférieur à celui du français moyen (350 000 euros, selon l’Insee, environ), dont le revenu moyen de 1800 euros par mois…

Concernant Macron, ses références sont clairement douteuses, son « Maître à Penser », Ricoeur, et les philosophes allemands dont ce dernier se réclame (Heidegger, Gadammer), ayant largement soutenu les pires régimes du siècle dernier. Dans ses discours d’ailleurs, ses vociférations exaltées n’ont d’ailleurs rien à envier à la rhétorique fasciste. De grands hommes de gauche n’ont-ils d’ailleurs jamais favorisé l’arrivée du fascisme ou d’autres formes de dictature en France (2) ?

Il a bénéficié des largesses d’une des banques qui a profité le plus de la colonisation. Il revendique son affiliation au Saint-Simonisme (avec ses collègue de la revue « Esprit »), courant de pensée apôtre en son temps de toutes les colonisations. Il proclame néanmoins, dans la capitale d’un pays étranger et anciennement colonisé, le caractère de « crime contre l’humanité » de celle-ci.

Son entourage économique est tout le CAC40. Il servit Drahi à Bercy, tous les médias de Drahi (LCI, BFMTV, l’Express…) le servent. Tous les chefs d’États occidentaux le vénèrent, sauf peut-être Trump.

Les pires ministres d’Hollande le soutiennent totalement :

Ayrault qui ment effrontément sur les attaques chimiques attribuées au gouvernement légal alors qu’elles sont le fait de terroristes qualifiées de « rebelles » et soutenus militairement et politiquement par le gouvernement français.

Le Drian qui envoie des chars accompagnant les batteries de missiles de l’OTAN, à 180 km de Saint Petersbourg, dans les pays baltes, provoquant très dangereusement la Russie (le délais d’alerte descend ainsi à 3 minutes pour la seconde ville de Russie en cas de bombardement). Ce même ministre veut envoyer une escadre pour « intimider la Chine », alors que la France n’a pas du tout besoin de s’impliquer dans ces conflits lointains.

Une partie de la droite, fillonesque ou non (Madelin), qui le soutient construisit sa carrière par la fréquentation dans leur jeunesse de mouvements comme Ordre nouveau, GUD…

Macron, enfin, a reçu à Bercy une organisation de jeunes entrepreneurs baptisée « les Barbares qui veulent débloquer la France ».

Ainsi donc, aucun Français ne doute aujourd’hui qu’Emmanuel Macron, aux côtés de ses amis barbares, Macron nous emmènera vers un avenir radieux. C’est du moins ce à quoi travaille la machine médiatique, financière et politique qui l’a créé et élevé pour l’utiliser au service de l’oligarchie.

Comité Valmy
1 mai 2017

(1) « Selon ce scénario, on conserve le ratio de dépendance démographique à sa valeur de 1995 de 4,4 (4,4 « jeunes » de 15 à 64 ans pour 1 plus de 65 ans). Pour atteindre cela, 32,1 millions d’immigrants seront nécessaires de 2000 à 2025 soit une moyenne d’1,3 millions par an, et 60,9 millions d’immigrants de 2025 à 2050, soit une moyenne de 2,4 millions par an. En 2050, sur une population totale de 187 millions, 128 millions, ou 68,3%

seront des immigrés d’après 1995 ou leurs descendants. »http://www.un.org/esa/population/publications/migration/migration.htm

(2) En 1936 le peuple français vota pour une chambre , de gauche, qui finalement vota en grande majorité (hors les communistes et quelques socialistes) la paix de Munich, et les pleins pouvoirs à Pétain. Certains d’extrême droite, député (Kerillis ), militants, refusèrent voire joignirent la résistance et la France Libre (Cordier) En 1956 la gauche vota les pleins pouvoirs, que les socialistes utilisèrent pour mettre la terreur et le contingent en Algérie, et attaquer l’Egypte de Nasser
En 1991 le PS mit en place le traité de Maastricht (que le FN refusa) fit la guerre à l’Irak (que le PC, les verts et FN refusa) En 1997 la gauche (avec les verts et le PC,) mit en place Maastricht et le plus grand programme de privatisation depuis 3 siècles. Elle fit la guerre en Yougoslavie et en Afghanistan
En 2007 le PS et les verts violèrent et votèrent le traité refusé par le peuple en 2005 ( que le PC et le FN avaient dénoncé)


Élections présidentielles françaises. « Pas ça ! ».

Par Jean-Claude Paye
Mondialisation.ca, 05 mai 2017

Lors d’un meeting à Arras, ce 26 avril, Emmanuel Macron a réutilisé une procédure habituelle, fonctionnant comme une compulsion de répétition. Il a fermement condamné le Front National comme un parti incarnant la guerre, la vraie : celle de 14-18, et, dans un élan exalté, s’est emporté contre la perspective d’une venue au pouvoir de Marine Le Pen en s’écriant : « pas ça !, pas ça, pas ça !».[1] Cette opposition à l’image de la guerre, dont le Front National serait l’incarnation, contraste à sa volonté proclamée de s’engager dans la guerre actuelle, d’intervenir en Syrie, même sans mandat de l’ONU, en violation du droit international, pour renverser Bachar el Assad [2]. Ainsi, Macron propose la guerre réelle comme programme électoral, afin de conjurer le danger de l’image de la guerre.

Ce double discours a un effet de pétrification, car la raison et les structures logiques, tel le principe de non-contradiction, y sont absentes. Le malaise est encore renforcé par les images données à voir. Elles montrent quelque chose d’obscène qui relève, à la fois, des mouvements hystériques du corps de l’orateur et de l’attitude sidérée des personnes que l’on a placé derrière, afin qu’elles soient au centre de l’image. L’effroi résulte de la « grimace du réel », de la vision de leur exaltation compulsive, orchestrée et mécanique. Ces personnes incarnent un message que le pouvoir nous adresse : « vous êtes cela ! », « vous n’êtes que cela !», faisant ainsi preuve d’un savoir absolu en ce qui concerne l’être des citoyens. Alors, « l’obscène a à voir avec l’explicite absolu[3] » qui est accompli aux seules fins d’être montré. La monstration devient capture du sujet.

Le discours des médias est un paradiscours, « un faire voir » une exhibition pour obtenir l’abandon des populations à l’injonction surmoïque. Ici, ce n’est pas seulement la représentation qui est attaquée, mais la capacité même de penser. La conscience n’est pas modifiée, mais anéantie. C’est le processus même de la formation d’une conscience qui est démantelé, afin d’annuler le possible et de nous enfermer dans la sidération. Ainsi, l’obscène n’est plus ce qui « se représente, mais ce qui se présente absolument ».

La procédure délivre un nouveau réel, dont on peut décrypter l’enjeu grâce à une phrase de Jacques Lacan : « Tu veux regarder ? Eh bien, vois donc ! Il donne quelque chose en pâture à l’oeil, mais il invite celui auquel le tableau est présenté à déposer là son regard comme on dépose les armes[4] ».

Un « déjà-vu », un « déjà-su ».

Les résultats, plaçant Macron en tête du premier tour, ne sont pas une surprise. Ils étaient déjà donnés depuis longtemps par les sondages. Ils se sont réalisés au pourcentage près. La pré-science du pouvoir nous pétrifie. Ils nous détournent de la vision, afin de laisser la place au regard intérieur, à la remémoration d’un déjà su. Alors, le chemin qui mène au questionnement et à la parole est supprimé.

La sidération vient de la perte de la capacité d’être étonné. Elle se constitue en donnant toujours l’impression d’un « déjà-vu » ou d’un « déjà-su ». Elle résulte de l’action sur surmoi qui « est précisément cette instance qui, tendant à dépouiller l’homme de son aptitude à l’étonnement, le laisse déchoir dans le déjà connu »[5]

À travers leur passage en boucles, les images du 11 septembre fonctionnaient déjà comme une reconnaissance d’un déjà vu. Elles faisaient obstacle à la perception même des objets, selon un mécanisme déjà mis en évidence par le théoricien de la littérature Victor Chklovski qui a construit sa procédure de « défamiliarisation », en mettant l’accent sur une distinction entre vision et reconnaissance. La psychanalyse parlerait de différence entre l’oeil et le regard. Il avait indiqué que les objets régulièrement vus le sont par un dispositif de reconnaissance et que, de fait, ils ne sont pas entièrement perçus. Pour lui, afin de libérer la perception de l’automatisme, la vision doit être construite de manière à ce que « la perception s’arrête sur elle et arrive au maximum de sa force et de sa durée. »[6] Au contraire du « procédé de l’art » mis en avant par Chklovski, les images du 11/9 et le paradiscours construit par les médias sur les élections présidentielles, par leur répétition organisée, enferment la vision dans un automatisme, annulant toute perception et ainsi toute possibilité de s’étonner, de saisir ce qui est nouveau.

L’oeuvre d’un surmoi archaïque.

L’injonction de voter Macron repose sur la diabolisation d’un parti politique, le Front National, devenu pourtant semblable aux autres, depuis son aggiornamento de parti fasciste en organe du meilleur des mondes. Tout candidat, battu au premier tour, se doit impérativement de lancer un appel à voter, contre le FN et en faveur de Macron, c’est à dire contre le fascisme et pour la démocratie. Il s’agit là de la répétition d’un scénario bien connu. Cet impératif catégorique est l’oeuvre d’un surmoi archaïque qui apparaît en particulier quand l’individu est amené à s’énoncer ou à poser un choix. Il s’agit d’une injonction absolue, à laquelle il ne peut s’opposer. Ainsi, l’obscène consisterait à renvoyer au spectateur une image de son regard dans laquelle il ne peut que refuser de se reconnaître, mais dans laquelle il est contraint temporairement d’adhérer.

A quel surmoi a-t-on affaire dans l’injonction de voter Macron ? Il ne s’agit pas du surmoi d’ordre paternel, héritier de l’œdipe, et ce malgré l’insistance du commandement à se présenter comme un devoir, comme une conscience morale. Il ne s’agit là que d’un faux-semblant, car aucune alternative n’est posée. Alors, l’impossibilité de dire non au vote utile pour Macron n’est pas un véritable oui, étant l’impossibilité de contester ce qui est dit. Une nette majorité des électeurs, ayant l’intention de voter pour lui, déclarent le faire par défaut et non par adhésion. En fait, l’impératif de voter Macron, surtout en ce qui concerne le deuxième tour, n’entraîne généralement ni véritable oui, ni véritable non. Cela semble répondre à un fonctionnement de structure psychotique, dans laquelle aucune contestation ne peut faire face à la voix.

Prisonnier du regard.

La candidat Macron dit tout et son contraire [7]. C’est la structure même du langage qui est bouleversée. George Orwell a déjà décrit dans 1984, à travers la « novlangue », le dispositif de « double pensée » destiné à empêcher la représentation une chose. Cette procédure est nommée clivage par la psychanalyse. Elle interdit tout jugement et entraîne une indifférenciation des éléments de la réalité. Le pouvoir séparateur du langage est annihilé par le caractère englobant et d’indifférenciation de l’image. Le langage ne fait plus qu’attester de la vérité de l’image.

Il ne s’agit plus de modifier notre perception des faits afin d’obtenir notre adhésion, mais de nous enfermer dans le spectacle de la toute puissance du pouvoir. Cette procédure ne porte pas sur la capacité de percevoir et de représenter une chose. Elle est installation d’un surmoi ordonnant de jouir de ce qui est « donné à voir ». Elle est enfermement dans le regard, dans la pulsion scopique.

La psychanalyse distingue le regard de la vision. Si la vision est de l’ordre de la perception des objets de la réalité. L’objet-regard n’est pas soumis à l’observation du sujet, ce dernier est au contraire agit par l’objet pulsionnel. Le regard est appréhendé par Lacan comme l’objet propre de la pulsion scopique. Il est immatériel, en dehors de tout sensible. En tant qu’objet lié à la jouissance, insaisissable par la conscience, il est l’envers de celle-ci.[8]

L’affaire Macron à travers le déroulement d’élections présidentielles sans véritable affrontement, nous permet de réactiver le questionnement du psychanalyste Jean-Paul Hiltenbrand : « comment se fait-il et pour quelle raison le regard est venu progressivement à se substituer au politique ?[9] L’interrogation a aussi une perspective historique liant passé et avenir : « Si l’on sait avec la majorité des historiens, que le régime fasciste, nazi, s’est installé et maintenu au pouvoir grâce à la représentation imagée et la voix, à quel nouvel ordre de fer nous préparons nous sous le règne du regard ? »[10]

Que nous prépare l’ère Macron ? L’omniprésence, de la pulsion invocante et de son objet la voix, a exercé, dans les régimes fasciste et nazi, un effet mobilisateur sur les populations en les transformant en troupeaux. Le règne actuel de la pulsion scopique a un effet démobilisateur, d’enfermement de l’individu dans son intériorité en le séparant des autres. Elle a un effet désintégrateur de tout rapport social ; Cette domination correspond ainsi à une société monadique dans laquelle l’individu n’a plus d’autre et devient son propre référent. Nous entrons dans un capitalisme pur, tel que Leibniz l’avait anticipé.

« Tu n’es que ça !».

Ce surmoi maternel primordial qui vient en amont du surmoi d’essence paternelle, issu du complexe d’œdipe et que Jacques Lacan qualifie « d’obscène et de féroce », commande du dedans. Il ne dit pas « sois ceci ! ne sois pas cela ! » ou « Fais ceci ! ne fais pas cela ! Le surmoi commande « jouis ! »[11] il ordonne de jouir de la fusion avec le pouvoir et de la toute puissance de ce dernier. Cette toute puissance est à rechercher dans « la complétude de l’autre maternel primordial, avec lequel le Moi tend alors à se confondre dans un rapport illusoire d’aliénation foncière.»[12] Ainsi, il y a dans cette injonction surmoîque quelque chose comme un inceste par ordonnance.

Comme dans l’affaire Charlie, l’impératif absolu de la puissance surmoïque place le sujet dans une impossibilité radicale de dire non à l’injonction qui lui signifie : « ‘Tu n’es que ça !’, c’est à dire ‘rien d’autre que ça !’. [13]» L’impossibilité de contredire le dire surmoïque se donne comme un savoir absolu sur l’être du sujet. Comme nous le confirme le résultat des élections présidentielles ou la revendication « je suis Charlie ! », c’est dans cette mesure que le « sujet peut vouer sa vie à la jouissance mortifère d’incarner ‘l’être’ d’une telle déchéance. »[14]

Un acte de ré-engendrement.

L’impératif de voter Macron nous confirme que le surmoi a bien une double exigence, d’une part il commande la chute dans le rien, il enjoint à la déchéance, d’autre part, il commande « un acte de ré-engendrement. »[15] D’un côté, il opère une fusion avec la toute puissance du lobby Macron, de l’autre, il suscite une reconstruction de l’image de soi à travers la « lutte antifasciste ». Le mot d’ordre : « d’abord battre Le Pen, puis s’occuper de Macron », répond à cette double injonction, la fusion avec la toute puissance de l’Autre, puis l’expression d’une maîtrise de soi, celle « d’un ‘’dense et sûr Moi’’ renvoyant le sujet à la culpabilité et à la honte de ne pas être plus consistant »[16] . Cette inconsistance tient à l’image, celle d’une lutte contre un fascisme du passé, permettant d’accepter le meilleur des mondes présent, afin de « s’assurer d’une maîtrise de soi et de son image pour conjurer la dépendance à l’égard de l’Autre. »

L’acte de soumission à la double exigence du surmoi, à la fois l’impossibilité de s’opposer et le renoncement volontaire à tout acte résistance comme choix d’un «fort et sûr Moi », a pour conséquence la « liquidité [17]» du sujet, son abandon aux exigences de la machine économico-politique. Il s’agit d’un acte de servitude volontaire à la structure perverse du double discours du pouvoir : il n’y a pas d’autre choix, mais celui-ci doit être fait volontairement !

Jean-Claude Paye

 

Notes

[1]http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/pas-ca-pas-ca-pas-ca-macron-s-emporte-sur-l-idee-du-fn-au-pouvoir-938607.html

[2] «Et donc si je suis élu président de la République, je prendrai les dispositions en lien avec la coalition et, si possible sous mandat de l’ONU, mais même sans mandat de l’ONU, pour neutraliser ses capacités chimiques du régime de Bachar el-Assad» in Olivier Delemeulenaere, « Emmanuel Macron, candidat à la guerre en Syrie », Mondialisation.ca, le 27 avril 2017, http://www.mondialisation.ca/emmanuel-macron-candidat-a-la-guerre-en-syrie/5587521

[3] Nolo Rizka, «L’obscène publicité de nos jours», Araucaria de Chile, le 2 mai 2006, http://araucaria-de-chile.blogspot.be/search?q=l%27obscene+publicit%C3%A9+de+nos+jours

[4] Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Livre XI, Seuil Essais Points, p. 113.

[5] Alain Didier Weill, « Les trois temps de la loi », Paris, Seuil, 1995, p. 26.

[6] Pour Chklovski, «  le procédé de l’art […] consiste à obscurcir la forme, à augmenter la difficulté et la durée de la perception », ce qui a pour effet d’engendrer un sentiment d’étrangeté (« ostranénie »). L’art comme procédé est nécessaire car « L’automatisation de la perception avale les objets, les habits, les meubles, la femme et la peur de la guerre« . Ainsi, « les objets perçus plusieurs fois commencent à être perçus par une reconnaissance: l’objet se trouve devant nous, nous le savons mais nous ne le voyons plus ». Le but de l’art est donc « de donner une sensation de l’objet comme vision et non pas une reconnaissance » In Théorie de la littérature, Textes des Formalistes russes (réunis, présentés et traduits par Tzvetan Todorov, Préface Roman Jakobson,) Paris, Seuil, « Tel Quel », 1965(1925), pp. 76, 83 et 84.

[7] http://peupledefrance.com/2017/04/macron-le-candidat-qui-dit-tout-et-son-contraire-avec-le-meme-aplomb.html

[8] Jacques Lacan, Op. Cit., p.97.

[9] Ibidem

[10] Jean-Paul Hiltenbrand, psychanalyste, « Editorial : Le Regard », Journal Français de Psychanalyse N°16, 2002.

[11]Nicole Bousseroux, « La surmoitié », Intervention au séminaire du Champ lacanien, Paris, 28 janvier 2010, https://www.yumpu.com/fr/document/view/17132815/nicole-bousseyroux-la-surmoitie-

[12]B. Penot, « L’insistance du surmoi dans les écrits de J. Lacan, in « Surmoi II », Paris, édit. RFP, 1995,, p. 71.

[13]Alain Didier Weil, « Les trois temps de la loi, les trois surmois », Apertura, Congrès Surmoi, http://apertura.chez.com/Didier-Weill.htm

[14] Ibidem.

[15]Martine Coenen, « dansez sur, dansez surmoi », Le Bulletin Freudien n° 45, janvier 2005, p.4, http://www.association-freudienne.be/pdf/bulletins/42-BF45.10M._COENEN.pdf

[16] Ibidem.

[17]Jean-Claude Paye, «Macron : La fin du système des partis», Mondialisation.ca, le 19 avril 2017, http://www.mondialisation.ca/macron-la-fin-du-systeme-des-partis/5585985

 

Jean-Claude Paye, sociologue, auteur de L’emprise de l’image, Editions Yves Michel 2012.


MISE A JOUR: Liste des soutiens d’Emmanuel Macron, le candidat du Parti de la presse et de l’argent (PPA)

La liste des soutiens d’Emmanuel Macron que nous proposons ci-dessous n’est pas exhaustive mais elle est à notre connaissance la plus complète disponible à ce jour. Les personnalités sont classées par catégorie (« Patrons et banquiers », « Responsables politiques », etc.), puis par ordre alphabétique. Les possédants, que leur capital soit prioritairement économique, politique ou culturel, sont, sans surprise, en bonne place…

 

Patrons et banquiers

  • Loïc Armand (président de la commission Europe du MEDEF et de L’Oréal France)
  • Bernard Arnault (1ère fortune française – 11e mondiale –, PDG et principal actionnaire de LVMH, propriétaire du Parisien-Aujourd’hui en France et des Échos)
  • Pierre Bergé (363e fortune française, homme d’affaires, mécène, copropriétaire du groupe Le Monde)
  • Vincent Bolloré (10e fortune française, industriel, actionnaire principal de Vivendi et du groupe Canal+)
  • Yannick Bolloré (PDG d’Havas, membre du conseil de surveillance de Vivendi)
  • Alexandre Bompard (PDG de la FNAC-Darty)
  • Didier Casas (directeur général adjoint de Bouygues Telecom, conseiller d’Emmanuel Macron)
  • Patrick Drahi (5e fortune française, président d’Altice, principal actionnaire de SFR Group, qui possède Libération et L’Express)
  • Thomas Enders (PDG d’Airbus)
  • Pierre Gattaz (président du MEDEF)
  • François Henrot (banquier d’affaires, ancien bras droit de David de Rothschild)
  • Henry Hermand † (305e fortune française, président de la société d’immobilier commercial HH Développement, parrain d’Emmanuel Macron en politique)
  • Arnaud Lagardère (305e – ex aequo – fortune française, directeur du groupe Lagardère, propriétaire du Journal du dimanche)
  • Pascal Houzelot (propriétaire de la chaîne Numéro 23, membre du conseil de surveillance du Monde)
  • Bernard Mourad (ex-banquier conseil de Patrick Drahi et ancien de la banque Morgan Stanley, conseiller spécial d’Emmanuel Macron)
  • Xavier Niel (9e fortune française, actionnaire majoritaire d’Iliad, maison-mère de Free, copropriétaire du groupe Le Monde)
  • Laurence Parisot (ancienne présidente du MEDEF)
  • Claude Perdriel (363e fortune française, industriel, homme de presse, propriétaire de Challenges)
  • François Pérol (banquier, président du groupe BPCE, ancien conseiller économique de Nicolas Sarkozy)
  • Matthieu Pigasse (banquier d’affaires, directeur de la banque Lazard en France et responsable des fusions-acquisitions au niveau mondial, copropriétaire du groupe Le Monde)
  • Stéphane Richard (PDG d’Orange)
  • Marc Simoncini (326e fortune française, entrepreneur, fondateur de Meetic)
  • Bernard Tapie (400e fortune française, homme d’affaires, ancien ministre PS sous François Mitterrand)

Responsables politiques

  • Leila Aïchi (sénatrice écologiste)
  • Aline Archimbaud (sénatrice écologiste)
  • Kader Arif (député PS, ex-secrétaire d’État aux Anciens combattants)
  • Jean-Marc Ayrault (ministre des Affaires étrangères, ancien Premier ministre)
  • Jean-Michel Baylet (ministre PRG de l’Aménagement du territoire, PDG du groupe La Dépêche)
  • François Bayrou (président du MoDem, maire de Pau)
  • Aurore Bergé (ex-LR, membre d’En marche)
  • Jean-Louis Borloo (ancien ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, fondateur de l’UDI)
  • Thierry Braillard (secrétaire d’État chargé des Sports dans les gouvernements Valls 1 et 2, puis Cazeneuve)
  • Christophe Caresche (ancien député PS)
  • Daniel Cohn-Bendit (ancien député européen écologiste)
  • Gérard Collomb (sénateur PS, maire de Lyon)
  • Bertrand Delanoë (ancien maire PS de Paris)
  • Philippe Douste-Blazy (ancien ministre dans cinq gouvernements RPR/UMP)
  • Myriam El Khomri (ministre du Travail)
  • Jean-Louis Gagnaire (député PS)
  • Sylvie Goulard (députée européenne MoDem)
  • François Hollande (président de la République)
  • Robert Hue (sénateur, président du Mouvement des progressistes, ancien secrétaire national puis président du PCF)
  • Jean-Pierre Jouyet (secrétaire général de la présidence de la République, ancien président de l’autorité des marchés financiers, secrétaire d’État aux Affaires européennes des gouvernements Fillon I et II)
  • Patrick Kanner (ministre de la Ville)
  • Bernard Kouchner (ancien ministre PS dans les gouvernements Bérégovoy, Jospin et Fillon I et II)
  • Jean Launay (député PS)
  • Jean-Yves Le Drian (ministre de la Défense)
  • Jean-Marie Le Guen (secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger et du Développement de la Francophonie)
  • Corinne Lepage (ancienne ministre écologiste des gouvernements Juppé I et II, présidente de Cap21)
  • Alain Madelin (ancien ministre dans les gouvernements Chirac II, Balladur et Juppé I)
  • Christophe Masse (conseiller général PS des Bouches-du-Rhône, désormais membre d’En marche)
  • Juliette Méadel (secrétaire d’État chargée de l’Aide aux victimes)
  • Pierre Moscovici (commissaire européen aux Affaires économiques, membre du PS)
  • Dominique Perben (ancien ministre des gouvernements Balladur, Juppé II, Raffarin I, II et III, et Villepin)
  • François Patriat (sénateur PS)
  • Bernard Poignant (proche conseiller de François Hollande, ancien maire PS de Quimper)
  • Barbara Pompili (secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, membre du Parti écologiste)
  • François Rebsamen (maire PS de Dijon, ancien ministre des gouvernements Valls I et II)
  • François de Rugy (vice-président de l’Assemblée nationale, président du Parti écologiste)
  • Dominique Tiberi (conseiller de Paris)
  • Jean Tiberi (ancien maire RPR de Paris)
  • Xavière Tiberi (respectivement mère et épouse des deux précédents)
  • Manuel Valls (député PS, ancien Premier ministre)

Responsables politiques étrangers

  • Joschka Fischer (ancien ministre des Affaires étrangères allemand)
  • Paolo Gentiloni (président du Conseil des ministres italien)
  • Jean-Claude Juncker (président de la Commission européenne)
  • Angela Merkel (chancelière fédérale d’Allemagne)
  • Charles Michel (Premier ministre belge)
  • Barack Obama (ancien président des États-Unis d’Amérique)
  • Matteo Renzi (ex-président du Conseil des ministres italien, secrétaire général du Parti démocrate)
  • Alberto Rivera (président du parti centriste espagnol Citoyens – Ciudadanos)
  • Mark Rutte (Premier ministre néerlandais)
  • Wolfgang Schaüble (ministre des Finances allemand)
  • Justin Trudeau (Premier ministre canadien)
  • Alexis Tsipras (Premier ministre grec)
  • Guy Verhofstadt (député européen, président du groupe ADLE)

Intellectuels et journalistes

  • Jacques Attali (essayiste, conseiller de plusieurs présidents, parrain en politique d’Emmanuel Macron)
  • Christophe Barbier (journaliste, directeur de L’Express)
  • Philippe Besson (écrivain)
  • Laurent Bigorgne (directeur de l’institut Montaigne, think tank patronal)
  • Matthieu Croissandeau (journaliste, directeur de L’Obs)
  • Ruth Elkrief (journaliste sur BFM TV)
  • Vincent Giret (journaliste au Monde)
  • Laurence Haïm (journaliste, porte-parole d’Emmanuel Macron)
  • Régis Jauffret (écrivain)
  • Arnaud Leparmentier (journaliste au Monde)
  • Bernard-Henri Lévy (philosophe, et tant d’autres choses…)
  • Michèle Marchand (journaliste, conseillère en communication d’Emmanuel Macron)
  • Alain Minc (essayiste, homme d’affaires, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy)
  • Erik Orsenna (écrivain)
  • Jean Pisani-Ferry (économiste, ancien commissaire général de France Stratégie, membre de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron)
  • Jean Quatremer (journaliste à Libération)
  • Bruno Roger-Petit (éditorialiste à Challenges)
  • André Sapir (chercheur à l’Institut Bruegel)
  • Maurice Szafran (éditorialiste à Challenges, directeur éditorial des magazines du groupe Sophia Publications)
  • Yanis Varoufakis (économiste, ex-ministre des Finances grec)
  • Cédric Villani (mathématicien, membre de l’Académie des sciences, directeur de l’Institut Henri-Poincaré, candidat En marche aux législatives 2017)
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Déclaration de l’Association Joseph STALINE à propos du second tour des élections présidentielles

Le Bureau élargi de notre association a discuté largement au sujet des élections mais sans arriver à un consensus.

Analyse de la situation:

Les élections présidentielles dans la 5ème République favorisent l’alternance entre la bourgeoisie dite de droite et sa variante social-démocrate dite de gauche. Les primaires organisées par ces deux courants politiques furent marquées par la non représentation de François Hollande et la non qualification de Nicolas Sarkozy, soit le chef de file du Parti socialiste, celui duParti Les Républicains, et de leurs alliés respectifs. Le premier tour des élections présidentielles qui s’ensuivit, déboucha sur l’élimination des candidats Benoît Hamon et François Fillon, lesquels étaient investis par ces mêmes partis ainsi que Jean-Luc Mélenchon. Emmanuel Macron et Marine Le Pen arrivèrent, lors de ce premier tour, aux deux premières places.

Le Parti socialiste est en lambeaux, en grande partie à cause de la politique menée durant le quinquennat de Hollande. En 2012, en cours de mandat, celui-ci introduisit au gouvernement, tel l’œuf du coucou, Emmanuel Macron, qui devenu ensuite dirigeant du mouvement nouvellement crée En marche amena vers cette formation une grande partie de la direction du Parti socialiste, et ce avec la bénédiction, certes non immédiate, de François Hollande. Ce soutien à Emmanuel Macron et les défections de cadres du Parti socialiste engendrèrent un quasi abandon à son sort de Benoît Hamon, pourtant de leur parti et investi lors de la primaire socialiste. Sans espoir de figurer au second tour, Benoît Hamon refusa de retirer sa candidature et d’appeler à voter en faveur de Jean-Luc Mélenchon, ce qui aurait, très probablement, permis à ce dernier d’accéder au second tour, voire à la présidence. L’alternative devant laquelle nous nous trouvons suite aux résultats du premier tour, consiste à choisir entre la peste et le choléra. Cette triste réalité est due en grande partie aux sociaux-démocrates, qui une fois de plus ont joué le rôle de marche pied au fascisme.

De l’autre côté, François Fillon, englué dans les affaires, avait perdu toute dignité, et son parti, Les Républicains, une bonne part de crédibilité. Néanmoins, l’ancien Premier ministre trouva bon nombre de soutiens, aussi tenaces que lui, mais sans finalement parvenir à se maintenir au second tour.

En conséquence, les candidats présents au second tour sont Emmanuel Macron d’En marche et Marine Le Pen du Front national, sans qu’il y ait de représentant pouvant se revendiquer de la gauche.

Le débat:

Face à ce funeste choix, des camarades ont proposé de contrer Macron en appelant à voter, bien entendu à contrecœur, en faveur de Marine Le Pen, principalement en raison de ses propositions concernant les sorties de l’OTAN, de l’Union européenne et de l’Euro. D’autres camarades, refusant de différencier les deux représentants de la bourgeoisie, ont choisi de voter blanc, nul, ou de s’abstenir. Aucun camarade n’a proposé de voter pour l’ultralibéral globalisateur Macron, représentant de la bourgeoisie compradore.

Conclusion:

En fonction de quoi, il n’y aura de notre part aucun appel à voter lors du second tour de l’élection présidentielle 2017; que chacun vote selon sa conscience, dans l’intérêt du prolétariat et du peuple de France.

Le Bureau de l’Association

1er mai 2017


Jacques Sapir: mes leçons du premier tour : n’éludons pas la question sociale

Jacques Sapir
économiste, spécialiste de la Russie.

Publié le 28 avril 2017 / Politique

Le premier tour de l’élection présidentielle de 2017 semble rejouer celui de 2002. Pour la deuxième fois, le candidat du Front national est qualifié pour le second tour. Mais les ressemblances s’arrêtent là. C’est à une situation entièrement différente que nous avons affaire. De ce point de vue, les réminiscences du passé obscurcissent plus qu’elles n’éclairent le présent.

Affichage de  en cours...

Prenons acte du complet éclatement de l’espace politique français. Dans un système qui institutionnellement tend au bipartisme, et la règle électorale (le scrutin à deux tours) y est pour beaucoup, on pouvait avoir, par moment, l’irruption d’un troisième parti. Telle avait été la situation de 2002, voire de 2007 avec le bons score de Bayrou. Mais, aujourd’hui, c’est à une forme de quadripartisme que nous sommes confrontés. Car, si Emmanuel Macron et Marine le Pen se sont qualifiés, ils sont suivis de près par François Fillon et par Jean-Luc Mélenchon.

De ce point de vue, déjà, la situation politique s’annonce très différente. Elle se combine aussi avec l’effondrement historique du P « S », ramené au score dérisoire du candidat de la SFIO (Gaston Deferre) lors de l’élection présidentielle de 1969. Cet effondrement fait écho à l’émergence de Jean-Luc Mélenchon qui, avec 19,2% des suffrages exprimés réalise un score sans précédent, qui ne rend que plus cruel encore la comparaison avec les 6,2% dérisoires de Benoît Hamon.

Mais, cet effondrement a son symétrique à droite. Même s’il garde un score non négligeable de plus de 19,5%, pour la première fois dans la Vème République, le parti se réclamant de l’héritage du Général de Gaulle, même s’il a dilapidé et défiguré cet héritage, ne participera pas au deuxième tour de l’élection présidentielle. Ceci est sans précédent. C’est la fin de la Vème République. François Fillon aura été le fossoyeur de son propre courant.

Marine le Pen n’effraie plus

Un autre facteur est à prendre en compte. En 2002, le succès de Jean-Marie le Pen était survenu par surprise. Or, aujourd’hui, nous avons eu depuis plusieurs semaines Marine Le Pen installée en tête du classement. Le Front national est arrivé en tête de nombreuses élections depuis 2012. Les électeurs ont voté en sachant cela, et pourtant ils ont divisés leurs choix, preuve que Marine le Pen n’effraie plus, du moins plus autant que son père. Le changement de discours mais aussi d’attitude du FN y est pour beaucoup.

Parler à son sujet de parti « fasciste » ou « de haine » n’a guère de sens, et prouve une dénaturation complète des mots et des concepts, même si l’on peut critiquer ses propositions, et en particulier celle concernant l’abolition du droit du sol. Rappelons à nos chères « consciences indignées » que ceci est la position officielle de la CDU-CSU de Mme Merkel et de ses alliés. De même, quand Mme le Pen dit que la sécurité sociale appartient aux français, elle se trompe. La sécurité sociale, financée par des cotisations des salariés et des employeurs, appartient aux travailleurs sans distinctions de nationalité. Il convient de le rappeler. Mais il convient aussi de dire que cela n’est pas plus grave que de prétendre que ces cotisations sont des « charges » pour les entreprises et non des cotisations liées à la nécessité de s’assurer d’une main d’œuvre en bonne santé, une erreur communément commise par l’élite libérale et par Emmanuel Macron.

Ce sont toutes ces raisons qui vident de son sens l’appel à un soi-disant « front républicain ». Car, il faut bien l’admettre, ce discours se trompant de cible ne saurait plus mobiliser quiconque. On ne voit que trop qu’il ne sert que de couverture au grand banquet de tous ceux qui « vont à la soupe », pour reprendre une expression du Général de Gaulle.

La répartition des votes

Il est aussi important de voir d’où proviennent les votes. De ce point de vue, la carte des résultats du premier tour du 23 avril correspond largement, mais pas totalement, à ce que Christophe Guilluy appelle la « France périphérique ». Pas totalement, car on voit que dans certaines régions « périphériques » des effets de mémoire persistent. Ainsi les zones rurales du Limousin continuent de porter la mémoire de la Résistance (et de son chef local Georges Guingouin). On pourrait trouver d’autres exemples. Il n’empêche : on voit nettement l’opposition entre la France « métropolisée », avec (sauf dans le sud) un fort « effet littoral » et la France dite « périphérique ». La transformation du Front national en parti dominant dans les petits bourgs et les campagnes est marquante, même si le phénomène dépasse cela ; le poids du chômage et de la désindustrialisation est aussi l’un des facteurs de son enracinement. Je l’ai dit, de manière répétée, depuis 2012. La montée du FN correspond, trait pour trait aux dégâts de la mondialisation et de l’euro.

Une autre dimension importante est la question sociale, bien évidemment corrélée avec cette dimension géographique. On constate que Marine Le Pen a dans ses électeurs une forte concentration de personnes à revenus modestes et très modestes. Elle semble avoir fait un score de 34% dans la classe ouvrière, ce qui la met en première position, suivie immédiatement ici aussi par Jean-Luc Mélenchon. C’est d’ailleurs une caractéristique qu’elle partage avec Jean-Luc Mélenchon. A l’inverse, l’électorat d’Emmanuel Macron présente une forte concentration des hauts et des très hauts revenus, une caractéristique qu’il partage, mais dans une moindre mesure, avec l’électorat de François Fillon.

Mais, la composition sociologique d’un électorat n’est pas tout. Le discours tenu par le candidat est aussi important. De ce point de vue, en annonçant sa volonté de renforcer considérablement la « loi travail », loi qui avait initié des protestations extrêmement forte au printemps 2016, et en annonçant qu’il entend le faire par ordonnance, Emmanuel Macron se dévoile bien plus que par la concentration des milieux aisés dans don électorat. La pratique des ordonnances, tout comme celle du 49.3, quand elle est appliquée dans le domaine social, induit une brutalisation considérable des relations sociales. Ceci, avec la perspective de la réduction du nombre des fonctionnaires, avec l’accent mis sur l’austérité budgétaire, qui peut fort bien aller de paire avec des cadeaux aux grandes entreprises (comme dans le cas du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou CICE qui a coûté 30 milliards à l’Etat en 2014 et 2015[4]), donne le véritable ton de la candidature Macron. Il ne faut pas hésiter à le dire, voter Macron c’est émettre un véritable vote de classe, un vote réactionnaire dans le sens le plus littéral du terme.

On comprend alors l’attitude, digne et responsable, de Jean-Luc Melenchon qui a décidé de ne pas joindre sa voix à la meute hurlant au soi-disant « Front Républicain » et qui préfère consulter ses militants. Il est clair que se développe un comportement, le « jappellisme », qui correspond à la maladie sénile d’une classe politique qui jappe…

Une victoire culturelle pour les idées souverainistes ?

Mais, il y a une autre leçon importante que l’on peut tirer du scrutin de dimanche 23 avril. Si l’on consulte les résultats quasiment définitifs du premier tour (métropole et outre-mer), on constate que les différents programmes souverainistes, qui étaient portés par 5 candidats, ont réalisé pratiquement 47% des suffrages.

 

C’est un résultat important. En fait, on peut penser que certains parmi les électeurs de François Fillon partagent ces idées souverainistes, ce qui laisse à penser que l’on est probablement à 50% voire au-dessus. Bien entendu, les programmes diffèrent dans leur acuité souverainiste, tout comme ils diffèrent dans le domaine social. Si on les classe de 10 à -10 sur ces deux échelles, en considérant que le point « 0 » représente la continuité absolue avec la situation actuelle, on obtient le graphe suivant :

Ce graphique indique bien une forte polarisation de l’électorat (et de la société) française, un polarisation non pas le long du classique repère « Gauche-Droite » mais autour de ces deux questions essentielles que sont la souveraineté et le programme social. Cela pourrait indiquer que la bataille culturelle a été gagnée par les idées souverainistes. Ce qui renforce cette interprétation est l’intervention faite, devant les caméras de télévision, par Emmanuel Macron le dimanche soir 23 avril à 22h30 environ. Dans son intervention, il a mentionné à deux reprises le mot « patriote ». Le fait qu’il se soit senti dans l’obligation de reprendre des éléments du discours qu’avaient tenu, à des degrés divers, Mme Marine le Pen, MM. Mélenchon, Dupont-Aignan et Asselineau, et ce alors que visiblement il n’en partage pas une once, montre bien que ces idées sont en train de devenir dominantes. C’est, dans la situation actuelle, un facteur d’espérance pour le futur.